Un juge impose l’obligation de fidélité aux pacsés

L’adultère est pourtant de moins en moins évoqué lors des divorces et n’est plus un délit

Son homme le trompe, malgré le pacs qui les unit. Jean se rebiffe, s’adresse au tribunal et demande que soit dressé un constat d’adultère. Un document qu’il compte utiliser plus tard, pour mieux casser son pacs et réclamer dommages et intérêts. Le 5 juin

Dans son ordonnance, rendue publique dans Libération jeudi 20 février, le juge s’explique : « Il découle (…) du code civil une obligation de vie commune entre partenaires du pacs »; cette obligation « commande de sanctionner toute forme d’infidélité » ; le manquement à cette obligation « justifie une procédure en résiliation de pacs aux torts du partenaire fautif » . Une première juridique. « Une décision pour le moins surprenante, selon l’ancien député Jean-Pierre Michel (ex-MDC), l’un des fondateurs du pacs. Dans l’esprit de la loi, il n’y a aucune obligation de fidélité. » Les pacsés peuvent rompre leur contrat par simple lettre recommandée, adressée au tribunal.

Me Xavier Labbée, avocat du requérant et directeur de l’Institut du droit et de l’éthique à l’université de Lille-II, estime que « toute vie de couple suppose fidélité » : « Si les homosexuels ont réclamé un statut, ce n’est pas seulement pour pouvoir acheter des biens en commun, c’est pour pouvoir s’engager. Or l’engagement, c’est la fidélité. » Pour rendre sa décision, le juge lillois, François Barrois, s’est appuyé sur une analyse du Conseil constitutionnel de 1999 : pour les sages, la « vie commune » inscrite dans la loi sur le pacs doit être entendue comme une « vie de couple » . Or selon M. Barrois, cette dernière implique une communauté de lit. Il a donc inventé l’adultère des pacsés.

Une décision paradoxale, à l’heure où l’adultère est de moins en moins évoqué dans les divorces. Depuis vingt-huit ans déjà, il n’est plus rangé parmi les infractions pénales. Sa gravité est laissée à l’appréciation du juge. « A Paris, il est même devenu difficile d’obtenir qu’un magistrat fasse établir un constat d’adultère , précise Me Caroline Mécary, spécialiste du droit des homosexuels. Pourquoi l’introduire dans les procédures de ruptures de pacs ? Cette décision est simplement réactionnaire. » Jeudi, l’Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans, organisatrice de la Gay Pride, a dénoncé une décision « fantaisiste » fondée sur « la préhistoire du droit civil » . La portée juridique de l’ordonnance devrait d’ailleurs rester limitée.

Mais Jean-Pierre Michel s’interroge sur les intentions du magistrat lillois : « Les juristes critiquent le pacs depuis le début, affirmant que ce texte est mal ficelé. Le juge veut probablement montrer par l’absurde qu’il est difficile de l’appliquer. » La droite a toujours regretté le manque de « sécurité juridique » propre à ce type de contrat. En 1999, elle avait souligné la facilité avec laquelle les pacs peuvent être rompus et dénoncé la mise en place d’un système de « répudiation » . A certains, la décision du magistrat lillois peut donc apparaître comme un début de réponse.

« Dans la plupart des cas, les ruptures se sont effectuées en douceur , déclare pourtant Me Mécary. Tout simplement parce que les couples sont souvent sans enfant et sans gros patrimoine. » Entre 1999 et 2002, environ 4 600 pacs (sur 65 000 signés) ont été dissous. A Lille, Me Labbé a perdu contact avec son client, sans savoir s’il a finalement cassé son contrat. De son côté, la mairie de la ville a décidé d’offrir des cérémonies aux pacsés. Première prévue le 21 mars.

Mathilde Mathieu