Manifeste pour l’égalité des droits
L’AGRESSION dont a été victime Sébastien Nouchet, brûlé vif parce qu’homosexuel, a soulevé une vague d’émotion et d’indignation. Elle a fait prendre conscience de quelle haine les gays, les lesbiennes, les transsexuel (le) s pouvaient faire l’objet en France comme ailleurs.
Il semble qu’un large consensus se dessine aujourd’hui pour organiser la lutte contre l’homophobie (il conviendrait cependant de ne pas oublier la lutte contre la transphobie). Mais nombre de ceux qui se déclarent prêts à soutenir des projets législatifs visant à pénaliser les injures homophobes ou les incitations à la haine et à la discrimination sont les mêmes qui hier s’opposaient aux avancées de l’égalité des droits et notamment au pacs.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Donner une définition restrictive de l’homophobie en ne dénonçant que la haine à l’encontre des homosexuels, et non pas toute politique discriminatoire à leur égard, reviendrait à permettre à nombre d’homophobes de faire part de leur compassion et de s’auto-décerner des brevets de tolérance et de progressisme tout en refusant, comme auparavant, toute avancée vers l’égalité des droits.
Il nous semble en effet homophobe et discriminatoire de refuser l’accès des gays et des lesbiennes au droit au mariage et à l’adoption, de refuser l’accès des lesbiennes ou des femmes célibataires à la procréation médicalement assistée. Nous nous sommes réjouis de l’instauration du pacs et nous sommes très attachés à ce cadre juridique, souple et commode. Mais il n’est qu’un élément dans la reconnaissance des couples de même sexe, qui doivent pouvoir bénéficier, s’ils le désirent, des mêmes droits que les couples hétérosexuels.
Le maire de San Francisco l’a récemment rappelé par un geste spectaculaire : la Constitution de l’Etat de Californie comme la Constitution américaine interdisent la discrimination et garantissent l’égalité des citoyens. Au cours des dernières années, les Cours suprêmes de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, au Canada, et du Massachusetts, aux Etats-Unis, ont également statué que l’interdiction du mariage homosexuel violait le principe constitutionnel d’égalité des droits.
Les Parlements de Belgique ou des Pays-Bas ont instauré le droit au mariage pour les couples de même sexe. La Constitution française pose elle aussi le principe fondamental de l’égalité de tous devant la loi. Ce principe n’est pas appliqué, puisque des droits fondamentaux comme le droit de se marier sont refusés aux gays et aux lesbiennes.
Nous demandons donc aux juges français de suivre l’exemple de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et du Massachusetts. Nous demandons aux parlementaires de suivre l’exemple des Pays-Bas, de la Belgique. Nous demandons aux maires des communes de France de suivre l’exemple donné par le maire de San Francisco et de célébrer des unions entre personnes du même sexe.
Note(s) :
Au nombre des 120 premiers signataires :
CLÉMENTINE AUTAIN (adjointe au maire de paris, chargée de la jeunesse), PIERRE BERGÉ (président de la fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent), JANE BIRKIN (chanteuse), DANIEL BORRILLO (juriste), LAURENT CANTET (cinéaste), JACQUES DERRIDA (philosophe), FLORENCE DUPONT (latiniste, université Paris-VII), DIDIER ERIBON (philosophe), ÉRIC FASSIN (sociologue), GENEVIÈVE FRAISSE (directrice de recherche au CNRS, députée européenne), JEAN PAUL GAULTIER (couturier), FRANÇOISE GASPARD (sociologue), CHRISTOPHE GIRARD (adjoint au maire de paris chargé de la culture), MARIE-ELISABETH HANDMAN (anthropologue, EHESS), ELISABETH LEBOVICI (critique d’art), RÉMI LENOIR (sociologue, directeur du Centre de sociologie européenne), NOËL MAMÈRE (député, non inscrit, de la Gironde) PHILIPPE MANGEOT (enseignant, rédacteur en chef de la revue Vacarme), CAROLINE MÉCARY (avocate), JANINE MOSSUZ-LAVAU (politologue, directrice de recherche au CNRS), LAURE MURAT (historienne), MONIQUE NEMER (éditrice), MICHELLE PERROT (historienne), EMMANUEL PIERRAT (avocat), ÉVELYNE PISIER (politologue, professeure à l’université Paris-I), SABINE PROKHORIS (psychanalyste), MICHEL TORT (psychanalyste), ALAIN TOURAINE (sociologue, EHESS), MICHEL TUBIANA (président de la Ligue des droits de l’homme), PAUL VEYNE (professeur honoraire au Collège de France).