Un droit de visite accordé à une « seconde mère » homosexuelle

KREMER PASCALE

TOUT DÉBUTE comme une jolie histoire de famille homoparentale. Catherine et Marie, qui professent au sein du même collège, en viennent à s’aimer, à vivre ensemble, à rêver d’enfants qu’elles élèveraient, sinon concevraient, toutes les deux. Un ami homosexuel bienveillant, quelques inséminations artificielles artisanales, et le rêve devient réalité. Catherine conçoit deux petites filles, aujourd’hui âgées de 9 et 3 ans.

En 1999, la vie de couple prend une tournure plus tristement banale. Séparation. Brouille. Changement de serrures : Catherine refuse désormais à son ancienne amante tout contact avec les enfants.  » C’était insupportable ! Une négation de dix années de ma vie, témoigne Marie . Ces deux enfants, je les aime, je me suis totalement investie dans leur éducation. Je suis leur parent social. Et maintenant on m’interdit de les voir sous prétexte que je n’ai pas de lien de sang avec elle !  » Et Marie de saisir la justice pour obtenir un droit de visite.

Le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bressuire (Deux-Sèvres) lui a donné raison le 6 janvier. Deux samedis après-midi par mois, Marie reverra ses  » filles  » dans un point-rencontre de Poitiers. Le magistrat s’est appuyé sur l’article 371-4 du code civil, fréquemment utilisé au bénéfice des grands-parents, et selon lequel,  » en considération de circonstances exceptionnelles, le juge aux affaires familiales peut accorder un droit de correspondance ou de visite à d’autres personnes, parents ou non « . Dans son jugement sur  » un conflit dont la nature « familiale » est incontestable « , il a par ailleurs souligné qu’il était dans l’intérêt des enfants de conserver un lien avec Marie,  » largement impliquée dans la vie quotidienne et l’éducation « , jouissant même d’un statut de  » seconde mère « .

Cette décision fera date, si toutefois elle est confirmée – le juge a demandé une enquête sociale afin de vérifier que Marie est bien en mesure d’exercer, sans danger pour les enfants, son droit de visite et d’hébergement.  » C’est l’une des toutes premières en faveur d’une concubine homosexuelle, selon Me Caroline Mécary, avocate spécialisée, qui précise néanmoins que la justice n’a, jusqu’à présent, que rarement eu à se prononcer sur ce genre de cas. C’est la reconnaissance d’une vie de famille homosexuelle, reconnaissance qui ne pourra aller qu’en s’élargissant avec le vote du pacs.  » L’avocate de Marie, Me Catherine Falourd, parle de  » clarification remarquable : les homos ayant des enfants entrent de plain-pied dans la famille, ce qui n’était pas une évidence aux yeux des juges « .