EMPLOI. Une justice hors d’atteinte. Manque de preuve et peur paralysent les victimes de l’homophobie.

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DAUMAS Cécile

En matière d’homophobie, rares sont les affaires à atteindre la barre de la justice. Le code du travail est pourtant du côté des victimes (1): « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement, aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs … » Mais les faits restent difficiles à prouver.

Camouflage. « On n’arrive quasiment jamais à démontrer un refus d’embauche, un licenciement ou une sanction fondés sur l’homosexualité », explique Caroline Mécary, avocate. Connaissant la loi, les employeurs camouflent l’homophobie derrière un autre motif (objectifs non atteints, faute grave…). Démontrer la vraie nature de la discrimination exige alors d’aller à la pêche aux preuves, qui le plus souvent passe par le témoignage des collègues. Et là, deuxième écueil: « A de rares exceptions, ils refusent de le faire, explique un avocat, soit par peur de représailles de la part de l’employeur, soit par crainte d’être taxés eux-mêmes d’homosexuels. » Même les salariés insultés ou discriminés préfèrent se taire. « Ils n’ont pas envie de se lancer dans un contentieux qui les fragilise et qui suppose d’exposer son homosexualité », souligne l’avocat Georges Ginioux.

Mahfoud, lui, est passé outre. Animateur dans un centre social, il a décidé d’attaquer son directeur pour insulte publique. « Le 2 juillet, il m’a traité de « sale pédé, sale enculé ». Puis a ajouté: « Dégage d’ici ou un jour tu risques d’enculer les enfants. » » L’insulte est violente, et repose sur un amalgame qui frappe souvent les homosexuels au contact des enfants. Dans un premier temps, la mairie, gestionnaire du centre, juge les faits inacceptables et soutient Mahfoud avant de le laisser tomber en septembre. Elle ne renouvelle pas son contrat de travail. Lui dépose plainte. Avec l’appui des associations.

Le Centre gay et lesbien ou SOS-Homophobie accompagnent les victimes, les encouragent à se défendre. Mais souvent, elles affrontent seules des affaires psychologiquement éprouvantes. « Dans les cas de harcèlement sexuel ou de discrimination raciale, les syndicats peuvent juridiquement se substituer aux victimes, explique Michel Miné, juriste en droit social. Pour les affaires d’homophobie, c’est impossible. »

Autre lacune de la loi: le code du travail ne réprime que trois situations de discrimination: embauche, licenciement, sanction. Pour tous les autres cas, il y a vide juridique. « Si un employeur refuse une formation à un salarié ou lui interdit d’être au contact de la clientèle en raison de son homosexualité, il n’y aucun moyen de le poursuivre », précise Michel Miné.

Enfin, les associations d’homosexuel(le)s demandent que la loi soit plus précise, en remplaçant le terme de « moeurs » par « orientation sexuelle ». Elles espèrent qu’en appelant un chat un chat, la justice n’en sera que plus efficace .

(1) Article L122-45 du code du travail.

SOS-Homophobie:

01.48.06.42.41.

www.france.qrd.org/assocs/sos

Centre gay et lesbien:

01.43.57.21.47.

www.cglparis.org