Suspendu de ses fonctions de maire, Noël Mamère veut saisir le tribunal administratif de Bordeaux

M. de Villepin reproche, notamment, au maire de Bègles d’avoir donné « une publicité très grande » au mariage homosexuel qu’il a célébré le 5 juin. M. Delanoë juge la sanction « disproportionnée »

Jean-Baptiste de Montvalon et Laetitia Van Eeckhout
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IL EST suspendu, mais ne rompt pas. Sitôt connue la décision du ministre de l’intérieur, Dominique de Villepin, de le suspendre pour un mois de ses fonctions de maire de Bègles, pour avoir célébré, le 5 juin, un mariage homosexuel, Noël Mamère a fait savoir, mardi 15 juin, qu’il allait saisir le tribunal administratif de Bordeaux.

Le ministre reproche à M. Mamère de ne pas avoir « respecté l’interdiction qui lui avait été faite par le procureur de la République » et d’avoir « volontairement aggravé la faute » en donnant « une publicité très grande à la cérémonie ». M. Mamère est le trente-huitième maire de France à être suspendu de ses fonctions depuis 1990. La plupart des précédents ont sanctionné des refus d’organiser des élections.

« AFFAIRE POLITIQUE »

L’avocate de M. Mamère, Caroline Mécary, va déposer deux requêtes devant le tribunal administratif : l’une « en annulation pour excès de pouvoir et détournement de procédure »; l’autre « pour suspension de l’exécution provisoire de l’arrêté ministériel », puisqu’en la matière, un recours n’est pas suspensif. M. de Villepin a précisé que la suspension s’appliquerait dès qu’elle serait notifiée à l’intéressé, probablement jeudi. Mme Mécary fait valoir que le mariage est célébré par le maire en sa qualité d’officier de l’état civil et non d’élu. « Cet acte est donc sous le contrôle du parquet et non du pouvoir central », souligne-t-elle. Selon elle, un officier de l’état civil qui passe outre une opposition du parquet est passible d’une amende de 4,50 euros, et non de cette « procédure très exceptionnelle ».

« On cherche à l’évidence à sanctionner Noël Mamère pour une affaire politique », affirme Mme Mécary. « Il y a deux poids deux mesures », s’indigne-t-elle, citant le cas du maire de Bordeaux, Alain Juppé qui n’a pas été suspendu en dépit de sa condamnation en première instance pour prise illégale d’intérêt. Mardi soir, M. Mamère se montrait confiant. « La justice administrative a déjà suspendu une décision prise par le ministère de l’intérieur à l’encontre de l’imam de Vénissieux », soulignait-il.

A l’annonce de la sanction, les Verts ont appelé « un maximum d’élus à célébrer des mariages homosexuels ». La secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, a apporté son « soutien » à M. Mamère. Le maire (PS) de Paris, Bertrand Delanoë a qualifié la sanction de « disproportionnée ». Jean Léonetti, vice-président du groupe UMP de l’Assemblée nationale, a jugé cette suspension « mesurée ».

Dans cette longue bataille judiciaire, qui pourrait conduire les parties jusque devant la Cour européenne des droits de l’homme, une autre procédure est en cours. Engagée à l’initiative de la chancellerie, elle vise à faire annuler un mariage que le procureur de Bordeaux avait par avance estimé contraire au code civil : les deux « époux » seront entendus au tribunal de grande instance de Bordeaux, le 29 juin.