SANS PAPIERS – LA BATAILLE JURIDIQUE FAIT RAGE.

PARIS, 25 août, Reuter – La bataille juridique engagée après l’évacuation musclée des sans-papiers de l’église Saint-Bernard s’est poursuivie dimanche dans la confusion, au lendemain du départ pour l’Afrique d’un premier charter d’immigrés illégaux.

Elle a permis aux avocats des Africains de Saint-Bernard, qui invoquent notamment une série d’irrégularités, de marquer des points pendant le week-end.

La préfecture de police a ainsi renoncé à demander la prolongation de la rétention administrative de neuf grévistes de la faim de Saint-Bernard qui ont été remis en liberté, mettant ainsi fin à des rumeurs contradictoires sur leur sort.

« La décision ayant été prise de mettre fin à cette mesure, les trois personnes qui se trouvaient salle Cusco à l’hôtel Dieu et les 6 qui se trouvaient au centre de rétention administrative de Vincennes ont quitté ces locaux ce jour à 15h00 », a annoncé la préfecture. « L’une d’entre elles est régularisable et recevra un titre de séjour à la fin de la semaine prochaine. »

Les huit autres sont toujours sous le coup d’arrêtés de reconduites à la frontière.

Le dixième gréviste de la faim, qui ne faisait l’objet que d’une invitation à quitter le territoire, « a quitté l’Hôtel Dieu samedi 24 août au soir », a ajouté la préfecture.

Trois des dix grévistes de la faim ont rejoint des sans-papiers de Saint-Bernard et leur sympathisants au Théâtre du Soleil, à la Cartoucherie de Vincennes, peu avant 17h30 (15h30 GMT), a rapporté un photographe de Reuter sur place. Les autres y étaient également attendus.

Les avocats ont d’autre part annoncé avoir obtenu dimanche à l’aube, après une nuit d’audience au tribunal de grande instance de Paris, la libération de 39 sans-papiers qui étaient encore au centre de rétention administrative de Vincennes.

Ce chiffre est cependant contesté par la préfecture de police qui ne fait état que de 30 demandes de prolongation de rétention rejetées par les juges pour défaut de compétence des fonctionnaires qui les avaient signées. Elle a annoncé en outre qu’elle faisait appel pour 28 de ces ordonnances, en contestant qu’il y ait eu vice de procédure.

Les sans-papiers libérés ont quant à eux dû attendre jusqu’à 10h00 pour quitter le centre de rétention de Vincennes. Ils ont été accueillis à leurs sortie par des sympathisants qui les ont emmenés en voiture dans un endroit tenu secret, ou au tribunal administratif de Paris où se jouait également leur sort.

Arrêtés de reconduite abrogés

Là encore la plus grande confusion régnait. « Il y a une sorte de désorganisation générale de toutes les institutions qui ont à traiter le dossier des sans-papiers de Saint-Bernard », commentait en fin de matinée l’avocat Gérard Tcholakian.

Le tribunal administratif devait examiner 84 recours en annulation d’arrêtés de reconduite à la frontière, déposés par les avocats. Mais à la mi-journée, quatre dossiers seulement avaient été traités.

Encore s’agissait-il, selon les avocats, de sans-papiers dont la préfecture avait décidé entre temps d’abroger l’arrêté de reconduite à la frontière.

« Sur les quelque 80 dossiers présentés au tribunal administratif, la préfecture a décidé d’abroger 45 arrêtés de reconduite », a déclaré à Reuter Me Caroline Mecary.

Selon la préfecture, les arrêtés abrogés visaient la quarantaine de personnes dont le ministre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré, a annoncé samedi soir la régularisation.

Il n’y avait plus dimanche que 13 sans-papiers de Saint Bernard maintenus en rétention administrative – 14 selon les avocats. « Si on n’arrive pas à les faire libérer d’ici le 30 août, c’est fichu, ils sont expulsés », a déclaré Me François Breteau sur France Inter.

Le tribunal de grande instance avait d’autre part décidé dans la nuit d’assigner à résidence trois autres sans-papiers.

En revanche, leurs deux principaux porte-parole, Ababakar Diop et Madjiguéné Cissé, ont été remis en liberté – le premier par le tribunal de grande instance pour vice de forme, et la seconde après avoir été condamnée samedi soir en correctionnelle à deux mois de prison avec sursis pour séjour irrégulier.

« Ça ne régularise pas leur situation », souligne Me Mecary. Les sans-papiers libérés ce week-end sont encore en situation irrégulière, voire sous la menace d’un arrêté de reconduite.

Mais leurs avocats sont décidés à faire jouer toutes les subtilités de la procédure pour gagner du temps. Ils affirment notamment avoir découvert dans plusieurs cas des manipulations de procès verbaux d’interpellation.

Pour l’heure seulement quatre sans-papiers de Saint-Bernard ont été reconduits dans leur pays avec les 53 autres immigrés illégaux ramenés ce week-end au Mali, au Sénégal et au Zaïre par un Airbus a 310 de l’armée de l’air, parti samedi de la base aérienne d’Evreux, dans l’Eure. /EJ.