Report de l’élargissement de la PMA : une avocate dénonce « un manque de courage »

« Il y a une espèce de cacophonie au niveau gouvernemental », a réagi lundi 4 mars sur franceinfo Caroline Mécary, avocate au barreau de Paris, après l’annonce du report de la révision de la loi de bioéthique intégrant l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Selon l’avocate, il y a aussi « un calcul politique au regard des élections européennes ».

D’après cette spécialiste de l’homoparentalité, le report de l’examen du texte est le signe d’une « vraie frilosité » du gouvernement qui a « une peur injustifiée » de voir une mobilisation des « réactionnaires ». Celle qui est aussi conseillère municipale EELV de Paris assure également qu’Emmanuel Macron préfère « les réformes néolibérales » aux « réformes sociétales qu’on n’a pas envie de mener véritablement ».

franceinfo : Le gouvernement justifie ce report par un embouteillage législatif. Est-ce crédible ?

Caroline Mécary : Je ne pense pas que ce motif soit réellement crédible. Il y a une espèce de cacophonie au niveau gouvernemental et il y a possiblement un calcul politique au regard des élections européennes. Je constate que les questions de société ne sont en aucune manière la priorité de ce gouvernement. Il se moque bien de savoir quelle est la situation des femmes qui sont obligées d’aller à l’étranger pour pouvoir fonder une famille. Cela me paraît assez inacceptable et pas très compréhensible.

Quel est le vrai motif selon vous ?

Je pense qu’il y a une vraie frilosité qui tient à une peur injustifiée de voir dans la rue une mobilisation de ces conservateurs, pour ne pas dire ces réactionnaires, comme on a pu le voir dans le débat sur le mariage civil. En réalité, la Manif pour tous ne représente plus grand monde. Il faut rappeler que l’opinion publique est aujourd’hui favorable à une très grande majorité à l’ouverture de la PMA à tous les couples. Il faut rappeler que le Conseil d’Etat a dit qu’il n’y avait pas d’obstacle juridique à cette ouverture. Le comité d’éthique a également dit qu’il n’y avait pas de problème éthique à l’ouverture d’une telle technique aux couples de femmes. En réalité, la situation devrait être très claire. Mais d’un point de vue politique, le gouvernement a une espèce de crainte qui vient s’ajouter à la situation actuelle, ce mouvement des « gilets jaunes » qui, pour le moment, n’a pas trouvé de débouché politique.

Cette révision fait donc les frais de la crise des « gilets jaunes » ?

On peut le penser mais c’est un manque de courage conséquent qui est regrettable dans la mesure où, sur d’autres sujets, le président de la République n’hésite pas une seule seconde à poursuivre les réformes. Il y a un deux poids deux mesures entre les réformes néolibérales qui sont menées et les réformes sociétales qu’on n’a pas envie de mener véritablement. On devient la risée de l’Europe. En Europe, il y a déjà 14 pays qui ont ouvert la PMA à toutes les femmes et 26 pays qui l’ont ouverte aux femmes célibataires. Nous sommes vraiment à la traine. Si cette loi n’est pas adoptée en 2019 avec l’ouverture de la PMA et une modification des règles relatives à la filiation en 2019, il y aura vraiment un sentiment de trahison pour les associations de défense des droits LGBT et de toutes ces femmes qui sont obligées d’aller à l’étranger. Des femmes se retrouveront dans des situations d’inégalité.