PMA : « Les juges ont outrepassé leur rôle »

Propos recueillis par Jamila Aridj
Des femmes qui ont eu recours à la PMA à l’étranger sauront jeudi si la justice prononce l’adoption de leurs enfants, refusée en première instance.

Il y a un an, le tribunal de grande instance de Versailles avait rendu la première décision refusant l’adoption de l’enfant du conjoint dans une famille homoparentale, au motif qu’il avait été conçu à l’étranger par le biais d’une procréation médicalement assistée (PMA). Le premier tribunal de France invoquait « une fraude à la loi ». La Cour de cassation avait été saisie par les tribunaux de grande instance d’Avignon et de Poitiers pour trancher cette question de droit qui suscitait une « instabilité juridique », après des jugements contradictoires.

Dans un avis daté du 22 septembre 2014, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a clarifié la loi Taubira autorisant le mariage pour les couples du même sexe : elle considère que le recours à la PMA à l’étranger n’est pas « un obstacle » à l’adoption au sein d’un couple de femmes, sous réserve que les autres conditions à l’adoption soient remplies et que ce soit dans l’intérêt de l’enfant. La cour d’appel de Versailles doit de nouveau statuer sur le dossier de ces quatre couples de femmes. Me Caroline Mecary, avocate de l’un des couples, se dit « confiante ». Entretien.

Le Point : Quelle lecture faites-vous de la décision du tribunal de grande instance de Versailles en première instance ?

Me Caroline Mecary : Je note que seule cette juridiction et celle d’Aix-en-Provence ont utilisé l’argument de la « fraude à la loi française » pour expliquer leur refus. Les juges ont délivré une décision militante. Ce tribunal a voulu asseoir sa propre conception de l’adoption. Les avis de la Cour de cassation rendus depuis le confirment.

Qu’est-ce que cet avis a changé ?

Il a clarifié la situation, estimant que le mode de conception de l’enfant, fût-il par le moyen d’une procréation médicalement assistée réalisée à l’étranger, n’est pas un élément qui fait obstacle à ce que l’épouse d’une mère puisse adopter son enfant. Cet avis donne une indication extrêmement claire à tous les juges du fond sur la manière dont on peut prononcer une décision.

La loi autorisant le mariage pour tous permet à un couple de femmes d’adopter l’enfant de leur conjointe en fermant les yeux sur les moyens qui ont permis sa conception. N’est-elle pas inachevée ?

Je ne le pense pas. Le mode de conception ne fait pas partie des conditions que l’on doit examiner pour accepter l’adoption de l’enfant du conjoint. Invoquer le mode de conception, c’est un abus de droit. Mes clientes se trouvaient là au mauvais endroit au mauvais moment en présence de mauvais juges qui ont outrepassé leur devoir d’appliquer les règles.

Êtes-vous confiante ?

Oui, parce que je ne vois pas comment la cour d’appel de Versailles peut décider de confirmer la décision prononcée en première instance. Si elle le fait, la Cour de cassation serait saisie et il me semble évident que la haute juridiction ne va pas se déjuger. Elle cassera alors le jugement de la cour d’appel. Je vois mal pourquoi les juges de la cour d’appel prendraient ce risque. Si la cour d’appel prononce l’adoption de ces enfants, elle rétablira une équité en leur prodiguant une « protection juridique » comme celle de pouvoir porter le nom de sa mère adoptive et hériter d’elle.