La justice relance le débat sur les mères porteuses

Famille Le tribunal de Nantes a donné raison à trois couples hétérosexuels pour que leurs enfants aient un état civil français. Ce qui met en porte à faux le gouvernement.

QU’ON SOIT pour ou contre la gestation pour autrui (GPA), la justice est en train de rebattre les cartes dans le dossier sensible des enfants nés de mère porteuse à l’étranger. Mercredi, c’est en effet un jugement – bien embarrassant pour le gouvernement – qu’a rendu le tribunal de grande instance de Nantes (Loire-Atlantique).

Les juges de ce tribunal ont effet imposé au procureur de transcrire, sur les registres d’état-civil, les actes de naissance de trois enfants nés par GPA, l’un en Ukraine, le second en Inde et le troisième aux Etats-Unis. Jusque-là, le parquet de Nantes, le représentant de l’Etat donc, qui est le seul compétent pour statuer sur le cas des enfants nés à l’étranger, s’y refusait obstinément. « La GPA est interdite en France, y avoir recours est une fraude à la loi. Pas question d’encourager ce genre de pratiques », tels étaient les arguments avancés. Sauf que, cette fois-ci, le procureur n’a pas convaincu les juges. Pour la première fois, ceux-ci se sont rangés aux arguments de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui, en juin 2014, avait condamné la France, en l’enjoignant de penser d’abord à « l’intérêt supérieur de l’enfant ». « Une victoire pour chacun des enfants concernés », salue Caroline Mecary, l’avocate des familles.

Voilà en tout cas qui met en porte-à-faux le gouvernement et donne du grain à moudre aux militants de la Manif pour tous, toujours prêts à en découdre pour défendre ce qu’il sconisdèrent comme « la vraie famille ». Le 3 octobre 2014, Manuel Valls, jusque-là plutôt pro- GPA à condition qu’elle soit « maîtrisée », avait changé radicalement son fusil d’épaule, estimant dans un entretien à « la Croix » : « C’est une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes. » Il est vrai qu’il y avait urgence à déminer le terrain, la Manif pour tous, s’apprêtait à battre le pavé.

Le Premier ministre avait été même jusqu’à marteler : « Le gouvernement exclut totalement d’autoriser la transcription automatique des actes étrangers, car cela équivaudrait à accepter et à normaliser la GPA. »

Prochain round le 19 juin

Sauf que c’est justement ce que vient de dire le TGI de Nantes : il faut que ces enfants soient reconnus et que leur nom figurent en toutes lettres dans le livret de famille, bref qu’ils puissent avoir une vie normale. « Quand on n’en a pas, c’est la croix et la bannière, c’est un casse-tête permanent avec les administrations. Et puis, si l’un des parents décède, il y a de gros problèmes d’héritage, les notaires sont perdus », explique Dominique Mennesson, le père de jumelles désormais ados, nées aux Etats-Unis par GPA, et qui a fait condamner l’Etat français pour la première fois devant la CEDH. Pas de réaction, hier, du gouvernement. Ni de Manuel Valls, ni de Christiane Taubira. « Ils laissent la justice se dépatouiller en silence », déplore Caroline Mecary. Prochain round : le 19 juin. Ce jour-là, la Cour de cassation, réunie au grand complet en assemblée pleinière, se penchera à son tour sur la question. Elle aura à se prononcer sur la transcription en France de deux cas de GPA à l’étranger.