Mères porteuses : les enfants restent étrangers

La Cour de cassation refuse le transfert des actes de naissance de Léa et d’Isa Mennesson, jumelles nées d’une mère californienne.

Hélène Rouquette-Valeins

«Une décision à la fois décevante et inconséquente. » Me Caroline Mécary, avocate au barreau de Paris, se fait l’écho de tous ceux qui ne comprennent pas le jugement de la Cour de cassation entravant, hier, le combat de plus de dix ans de Sylvie et Dominique Mennesson. Ou plutôt, ils comprennent trop bien. « La décision, estime Me Mécary, est le fait de conservateurs qui amalgament deux choses : la gestation pour autrui et la retranscription dans l’état civil français des actes de naissances délivrés par la Calfornie. Et ce au mépris du droit des enfants. »

Pas d’état civil français

L’affaire dure depuis dix ans. Les époux Mennesson, qui résident à Maisons-Alfort, dans le Val-de-Marne, ne pouvant avoir d’enfants en raison de l’infertilité de la femme, ont recours, aux États-Unis, à une jeune femme américaine qui a porté l’embryon issu d’un don d’ovocytes et des spermatozoïdes de Dominique Mennesson. Quand naissent, en octobre 2000, Isa et Léa, la législation californienne désigne Sylvie et Dominique Mennesson comme les parents. Des parents qui ont dédommagé la mère porteuse à hauteur de 12 000 dollars (8 500 euros).

Mais de retour en France, où la gestation pour autrui est interdite, la justice leur conteste le droit de transcription. Il s’ensuit un long parcours judiciaire durant lequel Léa et Isa restent des étrangères sur le sol français. En mars 2010, la cour d’appel de Paris confirme la filiation des jumelles avec leurs parents français mais refuse d’inscrire leurs actes de naissance à l’état civil.

Pour Jean Hauser, professeur de droit à Bordeaux, spécialiste du droit de la famille, « si rien n’empêche les enfants de vivre avec leurs parents, tout cela entraîne de multiples complications ». « Il faudrait adapter des mesures d’aménagement », constate le juriste, qui ne méconnaît pas pour autant le vrai problème de fond : le recours aux mères porteuses.

« Enfants punis »

Même s’il estime que ce n’est pas la question que devait traiter la Cour de cassation, M. Hauser se demande si un débat n’a pas pu porter sur les différences entre les couples qui pourront payer une mère porteuse américaine et ceux qui se tourneront vers des femmes ukrainiennes, roumaines ou indiennes. Ce que plusieurs centaines de couples français ont fait.

Ceux-ci sont désormais menacés, explique Caroline Mécary, d’être les parents, d’« enfants potentiellement français, assignés à résidence à l’étranger ». « Car, poursuit l’avocate, privés de papiers ou de visa, ils ne pourront pas entrer en France. En fait, ce sont les enfants que l’on punit. » Une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, évoquée par le parquet général et qui avait laissé espérer aux époux Mennesson une issue heureuse devant la Cour de cassation.

Ils devraient saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Pour le reste, juge Caroline Mécary, « la balle est dans le camp du législateur ». Lequel travaille actuellement sur une révision, qui paraît pour l’instant très timide, des lois de bioéthique.