Mariage homosexuel : les « Sages » ouvriront-ils la voie d’une légalisation ?

Venue de la rue, la rumeur envahit peu à peu les couloirs du Conseil constitutionnel : « Egalité des droits, égalité des choix ! » , scandent les manifestants d’Act Up qui sont rassemblés, mardi 18 janvier, rue de Montpensier (1er). Les Sages s’apprêtent à examiner une question prioritaire de constitutionnalité consacrée au mariage homosexuel : les articles du code civil qui précisent que ce contrat doit unir un homme et une femme sont-ils, selon eux, contraires à la Constitution ?

Instaurée par la réforme constitutionnelle de 2008, la question prioritaire de constitutionnalité – QPC – permet à un justiciable, à l’occasion d’une procédure, de soulever la constitutionnalité d’une loi qui lui est applicable. Cette révolution juridique a permis de déférer aux Sages des dizaines de textes qui avaient échappé à leur vigilance : depuis le 1er mars 2010, toutes les lois, y compris les plus anciennes, peuvent leur être soumises.

La question sur le mariage homosexuel a été posée par un couple de femmes auquel le tribunal de Reims a interdit l’accès au mariage, le 24 août 2010. « Les questions [qu’elles posent] font aujourd’hui l’objet d’un large débat dans la société, en raison, notamment, de l’évolution des moeurs et de la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe dans les législations de plusieurs pays étrangers » , soulignait la Cour de cassation, le 16 novembre 2010, en renvoyant la question au Conseil.

Devant les Sages, l’avocat des jeunes femmes, Emmanuel Ludot, a insisté sur la notion d’ « épanouissement » . « Deux jeunes femmes viennent vous dire qu’elles veulent s’engager l’une envers l’autre, a-t-il plaidé . La Constitution dit-elle que c’est possible ? » L’avocat a invité le Conseil à s’inspirer de la démarche qu’il avait adoptée en matière de garde à vue. « J’attends que vous donniez le signal nécessaire pour que s’ouvre le chantier du travail parlementaire. »

CETTE QUESTION RELÈVE-T-ELLE PLUTÔT DU LÉGISLATEUR ?

S’appuyant sur les exemples étrangers, l’avocate de SOS-Homophobie et de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens, Caroline Mécary, a invité le Conseil à revêtir les habits d’une véritable cour suprême. Elle est ainsi longuement revenue sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada, qui a jugé, en 2004, que l’interdiction du mariage aux couples de même sexe constituait une discrimination : elle portait atteinte au principe d’égalité inscrit dans la Charte des droits fondamentaux.

De la même manière, Caroline Mécary affirme qu’en France, l’interdiction du mariage homosexuel viole le principe d’égalité inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. « Une situation de fait similaire implique un traitement similaire » , a-t-elle déclaré, en rappelant que neuf pays européens avaient déjà ouvert le mariage aux couples de même sexe : les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, la Norvège, la Suède, le Portugal, le Danemark, l’Islande et le Royaume-Uni.

Le directeur du secrétariat général du gouvernement, Thierry-Xavier Girardot, a cependant estimé que le mariage n’était pas un simple contrat mais une véritable institution structurant la société. A ce titre, a-t-il souligné, il relève plutôt du législateur.

Dans les pays européens qui ont autorisé le mariage homosexuel, a-t-il ajouté, ce sont d’ailleurs les autorités politiques et non constitutionnelles qui ont modifié la loi. « La Constitution n’interdit ni n’impose le mariage entre personnes de même sexe » , a-t-il conclu. Décision le 28 janvier.