«La question du mariage homo est rouverte»
Caroline Mécary plaide devant le Conseil constitutionnel aujourd’hui:
La France sera-t-elle le prochain pays européen après les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, la Norvège, la Suède, le Portugal, l’Islande et le Royaume-Uni à autoriser le mariage homosexuel ? La question doit être examinée ce matin par le Conseil constitutionnel. A l’origine de cette question prioritaire de constitutionnalité (en vigueur depuis mars 2010), un couple de femmes qui a demandé à se marier et s’est vu opposer le refus du parquet.
En novembre, la Cour de cassation a toutefois reconnu que ces questions «font aujourd’hui l’objet d’un large débat dans la société en raison notamment, de l’évolution des moeurs et de la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe dans les législations de plusieurs pays étrangers». Et a transmis le dossier aux «sages» de la rue Montpensier. Aujourd’hui, l’avocat du couple, Me Ludot, utilisera des chemins détournés et défendra «la liberté de contracter» entre deux adultes. L’avocate Caroline Mécary, plus politique, représentera à l’audience l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens ainsi que SOS Homophobie. Elle a choisi un argumentaire rentre-dedans.
Quels vont être vos arguments ?
Je vais surtout invoquer le principe d’égalité de traitement, protégé par l’article premier de la Constitution. C’est simple : à situations similaires doit correspondre un traitement juridique similaire. Or, rien dans la situation de fait d’un couple homo ne diffère de celle d’un couple hétéro. Et que l’on ne me ressorte pas la question des enfants ! La reproduction n’est pas une condition de validité du mariage, sinon les ménopausées, les personnes infertiles ne pourraient pas se marier ! Et, de plus, des enfants, les couples homosexuels en ont. Or, aujourd’hui encore, l’homosexualité demeure un obstacle au mariage, de manière injustifiée. D’autant que le pacs n’offre pas la même protection.
Mais la Cour de cassation a dit en 2007 que le mariage est «l’union d’un homme et d’une femme»…
C’est ce que la Cour a répondu, dans l’affaire du mariage de deux hommes, le seul en France, célébré en 2004 par Noël Mamère. Mais dans le code civil, il n’y a pas de définition du mariage comme l’union entre un homme et une femme. Cela laisse la place à l’interprétation. Aujourd’hui la question est rouverte.
Le Conseil constitutionnel a un mois pour rendre son avis. Que peut-il se passer ?
J’espère qu’il assurera pleinement son nouveau rôle de Cour suprême en mettant un terme à cette discrimination institutionnelle. Dans les faits, il peut décider que les articles du code civil ne sont pas conformes à la Constitution et dès lors ouvrir le mariage. Il peut aussi décider qu’il faut modifier la loi pour la mettre en conformité avec les principes constitutionnels, comme ce fut le cas pour la garde à vue. Les «sages» peuvent aussi considérer que la question, trop générale, doit être renvoyée vers les législateurs, comme les «sages» en ont décidé pour l’homoparentalité. On est à un moment où cela peut basculer.