Les juges ont choisi de placer l’intérêt supérieur de l’enfant au coeur de leur argumentaire.
Mères porteuses, le débat juridique reste entier
En juin dernier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour ne pas avoir transcrit l’état civil d’enfants nés par mère porteuse. L’arrêt de la Cour fait l’objet d’un vif débat chez les juristes, certains estimant que seul le père biologique des enfants doit être reconnu en droit interne.
BOETON Marie
Invoquant l’intérêt supérieur de l’enfant, la CEDH a condamné la France le 26 juin dernier pour avoir refusé de retranscrire dans l’état civil français les actes de naissance d’enfants issus d’une gestation pour autrui (GPA). Cette décision deviendra exécutoire le 26 septembre prochain, le gouvernement ayant renoncé à faire appel.
Reste à savoir comment, concrètement, effectuer cette transcription. L’arrêt de la CEDH est en effet rédigé de façon ambiguë. Les juges européens évoquent, certes, à maintes reprises le rôle crucial joué par les parents d’intention dans la construction identitaire de leurs enfants mais, en fin d’arrêt, ils ne se focalisent plus que sur leur père (qui est aussi leur géniteur). Et concluent ainsi: « Au regard de l’importance de la filiation biologique en tant qu’élément de l’identité de chacun, on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt d’un enfant de le priver d’un lien juridique de cette nature » (art. 100).
t Que faut-il comprendre? La Cour exige-t-elle que la France reconnaisse comme parents à part entière les couples ayant eu recours à une GPA – ce qui revient en quelque sort à avaliser le recours à ce mode de procréation? Ou demande-t-elle seulement que soit reconnue la vérité biologique, et donc uniquement le lien au père? « Il est regrettable que la CEDH n’ait pas d’emblée levé l’incertitude sur ce point pourtant crucial », déplore la Revue des droits de l’homme dans son exégèse de l’arrêt.
Sans surprise, les juristes français sont eux aussi partagés. Pour l’avocate Caroline Mecary, spécialiste de ce type de dossiers, ce qu’il faut retenir, c’est l’esprit de la décision. « Les juges ont choisi de placer l’intérêt supérieur de l’enfant au coeur de leur argumentaire. Comment, dès lors, ne reconnaître que l’un des deux parents? » Un point de vue qui ne fait pas l’unanimité. « Les juges ne condamnent la France que pour défaut de reconnaissance de la filiation paternelle qui, en l’espèce, est fondée sur la vérité biologique, estime la professeur de droit Adeline Gouttenoire. Ayant sans doute eu du mal à se mettre d’accord, ils ont finalement opté pour ce compromis: reconnaître la filiation avec le parent biologique, mais pas avec le parent d’intention. »
t Quelle lecture fera la France de cet arrêt? La chancellerie se refuse, pour l’heure, à tout commentaire. Si elle choisissait une lecture a minima, quid du sort juridique de la mère d’intention? « Elle pourrait, par exemple, bénéficier d’un jugement de délégation avec partage de l’autorité parentale », précise l’avocate Marie-Cécile Bizard.