François Hollande alimente l’hydre réactionnaire

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Droit de vote pour les étrangers, récépissé… Le Président n’en est pas à son premier recul sur les réformes de société.

Matthieu Ecoiffier; Fabrice Tassel

Que fait la majorité de gauche face à la propagande de la droite minoritaire et réactionnaire qui se déploie dans la rue et sur les réseaux sociaux ? Elle recule, subit au lieu de réagir et de camper sur ses valeurs et ses engagements. Il n’y aura pas de loi famille en 2014, a indiqué hier Matignon.

Au lendemain d’une «manif pour tous» qui a vu 100 000 militants hurler à la «familiphobie», le Premier ministre remballe sa réforme sine die . Suite à une manif contre la procréation médicalement assistée (PMA), le gouvernement retire un projet de loi dans lequel celle-ci n’était pas prévue. «C’est une victoire, je m’en réjouis», a eu beau jeu de constater Ludovine de la Rochère, la présidente de la manif pour tous. Ce n’est pas la première ni la dernière. En 2013, les mêmes avaient obtenu que la PMA soit exfiltrée vers une future loi famille. Bien que personnellement favorable à l’ouverture de ce droit pour les femmes seules et homosexuelles, Dominique Bertinotti avait accepté de le supprimer de ce texte.

«Sans statut». Voilà la ministre de la Famille désavouée sur l’ensemble de son projet de loi. Les enfants élevés par un tiers «sans statut» dans une famille recomposée, ceux qui passent leur jeunesse à l’aide sociale à l’enfance, trimballés d’un foyer à l’autre au lieu d’être simplement adoptés et ceux qui, nés sous X, cherchent en vain leurs origines devront donc attendre pour voir leur situation s’améliorer.

Au premier rang des responsables de cette retraite, le président de la République. Si François Hollande a reconnu le 14 janvier lors de sa conférence de presse avoir sous-estimé l’ampleur de la crise économique, il en va de même pour celle des valeurs, entre une gauche qui doute et une droite en pleine «tea-partisation». Lors du bras de fer sur le mariage pour tous, le Président avait invoqué «la liberté de conscience» des maires qui refuseraient d’appliquer la loi. Façon d’alimenter l’hydre réactionnaire qu’il a fait sortir de sa boîte en ne faisant pas voter ce texte dans la foulée de son élection, comme le fit en son temps François Mitterrand avec la suppression de la peine de mort. Le voilà qui stimule l’appétit de la bête en croyant la rassasier. Il est à parier que cette concession ne fasse que conforter cette frange la plus radicale de la droite. «François Hollande utilise souvent le terme de société apaisée», nous confiait il y a peu Bertinotti pour expliquer la prudence du gouvernement sur les réformes de société. Pour le Président, rien ne doit venir compromettre le chantier du «pacte de responsabilité» avec les entreprises, pour relancer l’emploi. Mais face à la rhétorique de la manif pour tous, la méthode sociale-démocrate hollandaise revient à tendre l’autre joue. «Hollande est trop dans le grand écart et la volonté de synthèse. Gouverner, c’est faire des choix, avoir une vision de la société», rappelle l’avocate Caroline Mécary, spécialiste du droit de la famille. «Il y a un vrai travail de propagande à l’oeuvre depuis un an. On retrouve des ressorts de l’extrême droite dans la construction des slogans de la manif pour tous : négation de la réalité, propagation de mesures fausses, voire délirantes. Il n’y a pas de familiphobie qui vaille puisqu’aucune famille n’a été rejetée au nom de ce qu’elle est», souligne Mécary. «Sur ces questions de société, la gauche a la main tremblante», a pu constater hier Noël Mamère, pionnier du mariage pour les homosexuels.

Ombre. Un à un, les engagements de Hollande ont été mis au rencart. Le droit de vote pour les étrangers aux élections locales a été vite enterré, tout comme le récépissé pour éviter les contrôles policiers au faciès… Autant de sujets sur lesquels plane l’ombre de Manuel Valls. Et quid du projet de loi sur la fin de vie, déjà dans la ligne de mire de Ludovine de la Rochère, Béatrice Bourges et de leurs troupes ? Le 14 janvier, Hollande a souhaité que «ce texte puisse être élaboré sans polémique, sans division. Et simplement dans l’idée qu’un cheminement est possible pour rassembler toute la société». Un voeu pieux.