Les explications confuses des « casseurs » d’homosexuels

« VOICI LE VISAGE de l’homophobie. » Un titre choc pour une photo qui l’était tout autant : celle postée sur sa page Facebook par Wilfred de Bruijn, dent cassée, bouche ensanglantée, nez fracturé, oeil bleui et gonflé, plaie béante sous la lèvre inférieure. L’image de cet homosexuel passé à tabac avec son ami Olivier dans la nuit du 6 au 7 avril 2013, dans le XIX e arrondissement de Paris, avait fait le tour des réseaux sociaux, en plein débat sur le mariage gay.

Hier, devant la 15 e chambre du tribunal correctionnel, le couple, qui craint de ne jamais se remettre de l’« avalanche de coups » reçus, ni de l’« humiliation » ressentie, a fait face à trois de ses agresseurs, âgés de 18 à 20 ans, pour un procès qu’ils espèrent tant symbolique que pédagogique. Comme SOS Homophobie, également partie civile. Le quatrième prévenu, mineur, comparaîtra ultérieurement devant le tribunal pour enfants.

« Ah ! Des homosexuels ! » C’est la seule phrase que Wilfred entendra cette nuit d’avril, avant de sombrer, victime de sept fractures faciales et crâniennes. Jamais il n’a retrouvé la mémoire de l’agression. A peine se souvient-il de s’être vaguement réveillé dans le camion des pompiers, étonné de voir penché au-dessus de lui le visage également ensanglanté de son compagnon. C’est Olivier qui lui racontera l’horreur : « On venait de quitter une soirée entre amis, on avait décidé de rentrer à pied bras dessus bras dessous, détaille le compagnon de Wilfred à la barre. J’ai été frappé, mais mon ami plus encore. Même à terre, il recevait encore des coups. Alors, j’ai hurlé. Ils ont pris la fuite… »

Face à eux, les prévenus, trois jeunes de l’arrondissement, se perdent en explications confuses, évoquent les effets de l’alcool qu’ils avaient massivement consommé ce soir-là. Ou nient avoir donné le moindre coup, malgré un témoignage accablant et les images de vidéosurveillance qui avaient permis leur arrestation. « Je ne le referai plus », tente naïvement l’un. « Je n’ai rien contre les homos, essaie un second. J’ai même des amis qui le sont. C’est des gens comme nous. » Mais pour l’avocate du couple, M e Caroline Mécary, les coups reçus avaient un sens : « Chacun d’entre eux disait : Vous n’avez pas le droit d’être gays et amoureux. Et si l’on s’est acharné sur Wilfred, c’est qu’avec son pantalon rose il faisait plus dépé, comme ils disent en verlan, que son compagnon. »

Le procureur a requis une peine de trois ans de prison dont un an avec sursis et une autre de trente mois dont douze avec sursis pour deux des agresseurs, et demandé leur maintien en détention. A l’encontre du troisième, qui n’aurait rien fait pour empêcher le passage à tabac du couple, un an de prison dont six mois avec sursis ont été requis. Le jugement sera rendu le 3 juin.