La loi Taubira enfin consolidée ?
Alexandre Fache
La Cour de cassation doit rendre aujourd’hui un avis sur l’adoption, au sein de couples de femmes, d’enfants conçus par PMA à l’étranger. Enjeu : mettre fin à une « instabilité juridique ».
«Le droit de la famille est un domaine hypersensible. Et je n’ai pas le souvenir d’une décision courageuse de la Cour de cassation en la matière. » Défenseure d’un couple de femmes dont le dossier d’adoption a été mis en suspens par le tribunal d’Avignon, l’avocate Caroline Mécary ne déborde pas d’optimisme, à la veille de la décision de la plus haute juridiction française sur le sujet. Saisie par le TGI d’Avignon mais aussi par celui de Poitiers, la Cour doit dire ce matin si l’adoption, par la conjointe de la mère biologique, d’un enfant conçu par procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger, est recevable juridiquement. La question n’avait pas été totalement tranchée par la loi Taubira sur le mariage pour tous, votée le 23 avril 2013. Celle-ci avait certes ouvert le droit à l’adoption aux couples de même sexe, mais sans changer le statut de la PMA, théoriquement réservée aux couples hétérosexuels. D’où une « instabilité juridique ». Instabilité relative toutefois, la jurisprudence penchant très largement en faveur des familles demandeuses. Ainsi, selon la chancellerie, à la mi-juillet, sur 295 décisions référencées, 281 avaient accordé l’adoption, dont 254 adoptions plénières. Seuls quelques tribunaux « militants », comme Versailles ou Aix, ont fait de la résistance, invoquant la « fraude à la loi » que constituerait le recours à une PMA à l’étranger. « Pourtant, le mode de conception de l’enfant ne doit pas entrer en ligne de compte dans ces procédures », rappelle Me Mécary, selon laquelle la Cour pourrait « choisir de botter en touche ».
Présidente des Enfants d’arc-en-ciel, association qui accompagne des couples vers l’homoparentalité, Nathalie Allain-Djerrah dit pourtant « attendre avec impatience » l’avis de la Cour de cassation, car « beaucoup de dossiers sont au point mort ». « La jurisprudence récente privilégie l’intérêt des enfants (la France a été condamnée par la Cedh, en juin, à reconnaître ceux nés de GPA à l’étranger – NDLR), mais nous ne sommes pas à l’abri d’une mauvaise surprise. Là, ce serait tout un pan de la loi Taubira qui s’effondrerait. Et le gouvernement n’aurait d’autre choix que de légiférer à nouveau. »