Le refus d’adoption pour un couple homosexuel n’est pas discriminatoire, affirme la justice européenne

STRASBOURG (Conseil de l’Europe) (AFP) – Un couple homosexuel ne peut arguer d’une discrimination pour s’être vu refuser par la justice française l’adoption simple d’un enfant car il se trouve dans la même situation qu’un couple hétérosexuel ayant signé un Pacs, a estimé jeudi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Dans leur arrêt, pas encore définitif, les juges de Strasbourg n’ont pas relevé « de différence de traitement fondée sur l’orientation sexuelle » car les couples hétérosexuels « placés dans des situations juridiques comparables, la conclusion d’un PACS, se voient opposer les mêmes effets, à savoir le refus de l’adoption simple ».

En couple depuis 1989, et « pacsées » en 2002, Valérie Gas et Nathalie Dubois élèvent ensemble une fille, née en 2000 grâce à une procréation médicalement assistée pratiquée par Nathalie avec donneur anonyme en Belgique.

A deux reprises la justice française, le tribunal de Nanterre puis la cour d’appel de Versailles en 2006, a refusé à Valérie une adoption simple de la fillette. L’avocate des deux femmes, Me Caroline Mecary, avait alors saisi la Cour de cassation pour finalement se désister après que la plus haute juridiction française eut rendu un arrêt de principe rejetant l’adoption simple au sein d’un couple homosexuel.

Car le droit français ne reconnaît une autorité juridique conjointe sur les enfants adoptés qu’au sein des couples mariés, mais pas aux couples « pacsés », qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels. Dans ce cas, l’adoption simple par le « parent social » prive le parent biologique de l’autorité parentale.

Dans ses attendus, la Cour de Strasbourg a estimé qu’il fallait examiner l’éventuelle discrimination par rapport aux couples hétérosexuels non mariés.

Elle a également écarté la question d’une « discrimination indirecte fondée (…) sur l’impossibilité de se marier ». L’article 12 de la Convention européenne des droits de l’Homme, sur le droit au mariage, « n’impose pas aux gouvernements des Etats parties l’obligation d’ouvrir le mariage à un couple homosexuel », a rappelé la Cour, et les Etats « bénéficient d’une certaine marge d’appréciation pour décider de la nature exacte » de la reconnaissance juridique des couples homosexuels.

Seul un des sept juges a fait part de son désaccord, estimant que la différence de statut entre le mariage et le Pacs constitue « une discrimination qui lèse l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Les requérantes ont désormais trois mois pour se tourner vers la Grande chambre, instance suprême de la CEDH, qui restera libre de se saisir ou non de ce dossier.

La décision était très attendue car, si elle était condamnée, la France serait contrainte de modifier sa législation pour ouvrir la voie à l’adoption simple par le second parent, le « parent social », au sein d’un couple homosexuel.

« Il faut que la France aligne l’autorité partagée entre conjoints aux couples homosexuels », plaide Me Mecary. L’avocate dénonce une « discrimination indirecte » envers les couples homosexuels, qui ne peuvent se marier pour détourner l’obstacle, contrairement aux « pacsés » hétérosexuels. Elle y voit encore une « source d’insécurité pour les enfants qui ne peuvent pas hériter ». 3,5 millions de personnes sont concernées, affirme-t-elle.