«Ce sera la fin d’une discrimination entre les hétéros et les homos»
Caroline Mécary, avocate, attend beaucoup du mariage gay en France.
Marie-Joëlle Gros
L’avocate Caroline Mécary, 49 ans, travaille à la défense des droits des familles homosexuelles depuis 1997. Voilà des années qu’elle milite pour «un mariage civil ouvert à tous» .
Quelle serait la première conséquence d’un mariage ouvert aussi aux homosexuels ?
Ce sera la fin d’une discrimination entre les hétéros et les homos. Pour l’instant, les hétérosexuels ont le choix entre trois statuts différents : le mariage, le pacs et le concubinage. Seuls ces deux derniers statuts sont possibles pour les homos. Donc c’est une question d’égalité que de donner à chacun la liberté de choisir le contrat qui lui semble le plus adapté à la protection de son couple.
En quoi le contrat de mariage et le pacs, voté en 1999, diffèrent-ils ?
Ils n’impliquent pas les mêmes droits et les mêmes devoirs. Dans le mariage, il y a un devoir de fidélité et d’assistance, pas dans le pacs. La solidarité face aux dettes n’est pas non plus la même. Le pacs induit un régime de séparation de biens, alors que, dans le mariage, c’est la communauté de biens qui s’impose, sauf si on souhaite opter pour la séparation de biens devant un notaire. Enfin, dans le mariage, il y a une présomption de paternité, alors que le pacs oblige à établir la filiation par un acte de reconnaissance de paternité.
Quels sont les atouts d’un contrat de mariage unique pour les hétéros et les homos ?
Le mariage civil ouvert à tous permettra, comme c’est déjà le cas dans une dizaine de pays européens, de bénéficier exactement des mêmes droits et devoirs. C’est-à-dire le droit de transmettre automatiquement les noms des deux conjoints et de pouvoir adopter un enfant à deux. Le mariage civil pour tous ouvre de fait des droits en cas de décès de l’un des conjoints à une pension de réversion, et permet d’hériter de son conjoint en pleine propriété ou de l’usufruit. Pour les droits de succession, en revanche, pas de changement : le mariage et le pacs sont déjà identiques sur ce point.
La possibilité de se marier va-t-elle faciliter l’accès des homosexuels aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) ?
Non, car en France l’accès à l’AMP est, dans les textes, expressément réservé aux couples composés d’une femme et d’un homme, mariés ou non. Il faut donc modifier les textes de l’AMP pour pouvoir l’ouvrir aux couples du même sexe, voire aux femmes célibataires.
Les pays qui ont déjà établi un contrat de mariage unique ont-ils enterré les contrats d’union civile ?
Non, et d’ailleurs ce n’est pas souhaitable. En France, de nombreux couples hétérosexuels font le choix du pacs et c’est très bien comme cela. Pourquoi se priver d’un choix supplémentaire ? Le pacs ne nécessite pas de divorce pour être rompu, c’est une souplesse non négligeable. Rappelons à ce propos que le mariage se conclut devant le maire et entraîne un acte d’état-civil de mariage alors que le pacs est simplement enregistré au greffe d’un tribunal d’instance.
A quel horizon peut-on espérer la naissance d’un mariage civil ouvert à tous ?
Le candidat Hollande avait fixé un calendrier entre l’automne 2012 et le printemps 2013. Un énorme travail législatif l’attend maintenant. Et, pour le mener à bien, il reste une inconnue de taille : quelle majorité va se dégager au Parlement ? On peut espérer que le mariage civil ouvert à tous sera une priorité. Mais il y a beaucoup de dossiers brûlants, à commencer par cette loi sur le harcèlement sexuel qui a été abrogée la semaine dernière par le Conseil constitutionnel et qui inquiète énormément. Il y a en fait de très nombreuses priorités, et François Hollande devra faire un choix.