Le mariage gay va chambouler le droit de la famille

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FAMILLE Cette année, la Marche des fiertés gay, lesbienne, bi et trans, qui défile samedi à Paris, n’a pas la même résonance. L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels, promesse de campagne de François Hollande, réaffirmée vendredi par Jean-Marc Ayrault, va faire l’objet d’un projet de loi à la rentrée. Piloté par Christiane Taubira, ministre de la Justice, et Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille, il devrait être voté au printemps 2013.

Recomposition familiale, insémination artificielle à l’étranger… : 40 000 enfants résident déjà avec un couple de même sexe en France, selon une estimation de l’Ined de 2005. Le gouvernement devrait proposer de mieux les protéger juridiquement mais pourrait au passage transformer en profondeur le droit de la famille. La filiation doit-elle être déconnectée de la biologie ? Le couple, homosexuel ou hétérosexuel, doit-il rester l’unité de mesure de la cellule familiale ou céder sa place à une famille élargie ? Évolution, ou révolution, des juristes et des militants donnent leurs points de vue.

Les termes « pères » et « mères » vont-ils disparaître des documents officiels ?

Aujourd’hui, quand l’enfant naît dans un couple marié, le mari est automatiquement considéré comme le père. C’est la présomption de paternité. L’ouverture du mariage civil à tous les couples risque de la remettre en question car elle est liée à une conception hétérosexuelle du mariage et biologique de la filiation. Le gouvernement devra donc trancher entre son maintien ou son abandon. Ce choix, à première vue très technique, conditionnera en partie le projet et le nouveau visage des familles. « Il serait par exemple possible de remplacer la présomption de paternité par la présomption de parenté » , explique Caroline Mécary, avocate spécialisée dans la défense des droits des homosexuels. Avec l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes du même sexe, les termes « père » et « mère » pourraient en outre disparaître. « Tous les parents pourront devenir des parents A et B ou 1 et 2 sur les actes de naissance des enfants et dans tous les formulaires administratifs » , projette Aude Mirkovic, maître de conférences en droit privé, proche de l’association Alliance Vita, fondée par Christine Boutin.

Sera-t-il possible d’avoir plus de deux parents ?

« Soit la famille homosexuelle se coule dans le modèle traditionnel du couple dual soit on estime que l’on peut lier un enfant à une collectivité » , expose le Pr Jean Hauser, spécialiste du droit de la famille. Aujourd’hui, il est déjà possible d’avoir plus de deux parents avec le système de l’adoption simple, qui rajoute une filiation sans se subsister aux liens juridiques entre l’enfant et sa famille d’origine. « La pluriparentalité n’est pas une exception homoparentale. Les familles recomposées s’inscrivent de fait dans cette évolution majeure de notre société » , relève l’APGL (Association des parents et futurs parents gays et lesbiens). « La parenté déconnectée de la biologie et fondée sur l’investissement éducatif et affectif peut concerner un nombre de «parents» quasi illimité » , projette Aude Mirkovic. Cette dernière cite l’exemple de l’Ontario, au Canada, où la mère, la conjointe de la mère, et le père peuvent être parents légaux. « Comment trancher en effet les conflits de «parenté» entre la conjointe de la mère et le père biologique ? Entre la première conjointe de la mère et la seconde ? », interroge la juriste. Si cette multiplication des parents reste hypothétique, le projet de loi du gouvernement devrait rouvrir la réflexion sur le statut du beau-parent.

La loi sur l’adoption sera-t-elle bouleversée ?

« Ipso facto, l’ouverture du mariage aux couples du même sexe entraîne l’ouverture de l’adoption » , selon Caroline Mécary, évoquant l’adoption plénière. Reste à savoir si une étape supplémentaire sera franchie avec l’ouverture de l’adoption aux couples qui ne veulent pas passer devant le maire. « Nous voulons fonder une famille sans passer par la case mariage comme tous les couples. La loi présentée l’année dernière comportait des articles restrictifs sur le droit de la filiation », s’inquiète Nicolas Gougain, porte-parole de l’Inter-LGBT. Les militants plaident aussi pour une retouche de l’article 365 du Code civil afin de faciliter l’adoption simple par le parent social, conjoint du père ou de la mère. « C’est un outil de parentalité qui a l’avantage de ne pas chercher à couvrir les droits du sang, avance le Pr Pierre Murat, spécialiste du droit familial. Il faut éviter le piège du mythe de l’engendrement par les couples du même sexe. »

Mères porteuses, procréation médicalement assistée : jusqu’où peut aller la loi ?

Les nouveaux couples de femmes mariées pourront-elles accéder à la procréation médicalement assistée ? Durant la campagne, François Hollande s’est prononcé pour. Le sujet de l’élargissement de l’accès à cette technique de procréation pour des raisons « d’infertilité sociale » et non d’infertilité biologique sera certainement abordé lors du débat mais sans pour autant figurer dans le projet de loi sur le mariage et l’adoption. Toujours par souci d’égalité, des couples d’hommes pourraient-ils également réclamer la légalisation des recours aux mères porteuses ? « La conséquence n’est pas aussi évidente, note l’APGL . La législation française interdit actuellement le recours à la gestation pour autrui pour toute personne même en couple alors que l’accès à la procréation médicalement assistée est accordé de fait à un couple marié. »

« Ipso facto, l’ouverture du mariage aux couples du même sexe entraîne l’ouverture de l’adoption »ME CAROLINE MÉCARY

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