La PMA n’est pas un obstacle à l’adoption pour tous
La Cour de cassation a rendu mardi un avis qui conforte la sécurité juridique des familles homoparentales.
Marie-Joëlle Gros; Catherine Mallaval
Les juges n’ont pas à mettre leur nez dans les chambres à coucher. Que les couples soient hétéros ou homos, libre à eux de concevoir leurs enfants comme ils le souhaitent. Ou le peuvent. Telle est la leçon à retenir de l’avis que la Cour de cassation a rendu public mardi, après s’être réunie à huis clos la veille. Saisis par deux tribunaux de grande instance (Poitiers et Avignon), les «sages» devaient dire si oui ou non, dans un couple de lesbiennes qui a eu recours à une insémination artificielle avec donneur à l’étranger, celle qui n’a pas porté l’enfant peut l’adopter. La réponse de la cour est sans détour : c’est oui. Et ce, argument suprême, «dans l’intérêt de l’enfant».
Voilà qui devrait couper l’herbe sous le pied à ceux qui cherchent à contester la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. Mais est-ce, en creux, une validation des pratiques de procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger ? Explication de cette décision très attendue, entre les hourras des associations lesbiennes et gays, et les vociférations de ceux qui, surtout à droite, rêvent d’abroger le mariage pour tous.
La loi contenait-elle des bombinettes à retardement ?
17 mai 2013 : la France reconnaît aux homosexuels le droit de s’unir et d’adopter des enfants. Mais quels enfants ? L’adoption à l’international se réduit comme peau de chagrin (1 569 adoptions d’étrangers en 2012, contre 3 508 en 2010), de plus en plus de pays refusent de confier des bébés à des couples homos, et avant même d’en arriver là, pas facile pour eux d’obtenir un agrément du conseil général. Reste la solution de procréer. Oui, mais la France n’autorise pas les couples de lesbiennes (ni les célibataires) à avoir recours à la PMA (un don de sperme pour elles). A l’arrivée, la loi sur le mariage homo permet surtout aux lesbiennes d’adopter l’enfant de leur conjointe en fermant les yeux sur les moyens qui ont permis sa conception. Une position difficile à tenir.
C’est bien cette hypocrisie que des juges ont brandie à Versailles, Aix-en-Provence ou Toulouse pour refuser des demandes d’adoption à des lesbiennes. Ces bombinettes auraient forcément été désamorcées si l’ouverture de la PMA à toutes les femmes avait été débattue et votée avec le mariage pour tous. «Cette loi était faite mais pas achevée», a clairement énoncé le procureur de Montluçon (Allier) en audience. Un avis partagé par la sociologue spécialiste de la famille Irène Théry, selon laquelle «l’hypocrisie d’un détour imposé par l’étranger et l’institution […] affaiblit la cohérence, le sens et la portée de la nouvelle loi» (1). Heureusement, dans les faits, sur 295 dossiers d’adoption déposés par des couples homos, 281 ont obtenu satisfaction.
La PMA à l’étranger est-elle du coup encouragée ?
Autrement formulé, l’avis de la Cour de cassation revient-il à faire la promotion du Thalys et/ou des voyages à Barcelone, puisque ce sont les deux destinations les plus courues par les lesbiennes françaises ? Tout d’abord, nuance technique, la décision de la Cour de cassation est un avis et pas un arrêt. L’avis est censé éclairer des juges dans le doute, mais il ne s’impose pas. Contrairement à l’arrêt qui intervient, lui, quand des juges s’entêtent jusqu’en appel et que les plaignants portent l’affaire en cassation. Reste que cet avis est «apaisant et sécurisant pour les couples de femmes. Et ce n’est symboliquement pas négligeable» , souligne l’avocate Caroline Mécary. Dorénavant, celles qui se lancent dans un projet de PMA à l’étranger ne devraient plus se vivre comme des «fraudeuses», terme employé par les procureurs récalcitrants à l’adoption. Leurs refus d’appliquer la loi avaient suscité en juin un mouvement de soutien, doublé d’une pétition. Le «Manifeste des 343 fraudeuses», publié par Libération, a recueilli des milliers de signatures. L’avis de la Cour de cassation replace fermement tous ces couples dans la légalité.
Et la GPA là-dedans ?
Dès qu’il est question de PMA, les opposants à la gestation pour autrui (GPA) montent au créneau et jouent la confusion entre les deux sigles. L’avis de la Cour de cassation n’a pourtant rien à voir avec la GPA, qui est interdite en France. Seul rapprochement possible, celui du calendrier. Vendredi expirera le délai dont la France dispose pour faire appel de sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui lui impose de transcrire dans l’état civil français les actes de naissance de trois enfants nés par GPA en Californie. Encore une fois, au nom de l’intérêt de l’enfant.
(1) Dans son rapport «Filiation, origines, parentalité», commandé par le ministère de la Famille.