GPA : dans un Etat de droit, appliquer le droit

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Le 26 juin, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que la France pouvait interdire la gestation pour autrui (GPA). La Cour a pris le soin de dire que la France a le droit de ne pas admettre ce mode de procréation médicalement assistée; à aucun moment la Cour ne dit que la France doit légaliser la GPA car la France est souveraine.

Elle a aussi jugé que l’intérêt de l’enfant, quel que soit son mode et lieu de conception, commandait que son état civil soit retranscrit par les états membres du Conseil de l’Europe. Et, après avoir examiné les conséquences néfastes du refus de transcription de l’acte de naissance d’un enfant né dans le cadre d’une GPA, la CEDH a jugé que : «[…], compte tenu des conséquences de cette grave restriction sur l’identité et le droit au respect de la vie privée des troisième et quatrième requérantes, qu’en faisant ainsi obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement en droit interne de leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique, l’Etat défendeur est allé au-delà de ce que lui permettait sa marge d’appréciation.»

Ainsi, lorsque d’éminentes personnalités écrivent dans Libération du 14 juillet : «le 26 juin, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France en ce qu’elle exclut de son droit une telle transaction (la GPA) sur femme et enfant» , elles dénaturent la réalité. Gouvernants, juristes, universitaires, ces personnalités ne peuvent ignorer que ce qu’elles cautionnent, de leurs noms et qualités, dans la tribune «GPA : Monsieur le président de la République… (1)», est faux. Pourquoi ont-ils recours à cette novlangue, méthode éprouvée du meilleur des mondes ? Serait-ce pour dissimuler, même inconsciemment, que leur position est un déni de l’Etat de droit ?

Dans un Etat de droit, le droit est appliqué.

Vendredi 11 juillet, Alberto Ruiz-Gallardón, ministre espagnol de la Justice, prenant acte des arrêts du 26 juin, a adressé une circulaire à tous les consulats d’Espagne afin qu’ils acceptent d’inscrire, sur le registre de l’état civil, les enfants nés dans le cadre d’une GPA (2). Monsieur Ruiz-Gallardón appartient au Parti populaire, parti de droite d’une royauté catholique mais démocrate.

Ne pas appliquer le droit n’est pas démocratique. Alors, serions-nous en présence d’une nécessaire résistance à la loi injuste ? Pourtant, la position de la Cour européenne est en harmonie avec l’intérêt de l’enfant et les conventions internationales qui le protège; en harmonie avec les lois démocratiques des grandes nations (Royaume-Uni, Canada, Etats-Unis); et avec la loi française puisque la GPA reste interdite.

Mais elle heurte la conception de celui qui a amené M. Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002; elle heurte celui qui, conseiller du Président, a été l’artisan du timing désastreux du vote de la loi «Mariage pour tous», causant par ce retard, d’inutiles tensions; elle heurte certaines féministes qui voudraient que des enfants ne puissent pas être reconnus en France; elle heurte ceux qui, derrière leurs grands mots, cachent une réaction aux racines religieuses.

Nous sommes, nous voulons être dans un Etat de droit et dans un Etat laïque. Le tapage de ceux qui dénaturent la réalité ne doit pas couvrir la voix du droit et de la République laïque, elle ne doit pas couvrir la voix des enfants que ces apôtres voilés voudraient priver de filiation.