La justice relance le débat sur la PMA

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En validant les demandes d’adoptions d’enfants nés de la procréation médicalement assistée à l’étranger par des couples de femmes, la cour d’appel de Versailles renforce le camp de « l’adoption pour tous » .

Leclair, Agnès

FAMILLE La justice renforce « l’adoption pour tous » , un volet ambigu de la loi Taubira. Après un an de polémiques, dans le sillage de Toulouse et d’Aix-en-Provence, la cour d’appel de Versailles a validé jeudi quatre demandes d’adoptions, par l’épouse de la mère d’enfants nés par PMA (procréation médicalement assistée) à l’étranger.

Ses arrêts ont valeur de symbole car le TGI de Versailles avait été le premier à semer le trouble sur l’interprétation de la loi « mariage pour tous » . Le tribunal avait en effet refusé de prononcer ces adoptions en invoquant une « fraude à la loi » , la PMA étant réservée en France aux couples hétérosexuels infertiles. Pour dire « oui » à ces adoptions, la cour d’appel de Versailles s’est pour sa part appuyée sur deux avis de la Cour de cassation, rendus en septembre dernier. Le recours à la PMA « ne fait pas obstacle » à ce que l’épouse d’une mère puisse adopter son enfant, avait estimé la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, sollicitée par les TGI d’Avignon et de Poitiers.

« Ces arrêts viennent clore le débat juridique et médiatique sur ce type d’adoption , souligne Me Caroline Mécary, l’avocate de l’un des couples ayant obtenu en appel l’adoption de leurs enfants à Versailles. Mais la question de l’accès à la PMA pour tous les couples se pose à nouveau. Il faudrait aligner le régime des couples de femmes sur celui des couples hétérosexuels comme l’a fait la Belgique. Malheureusement, le débat sur la PMA n’arrive pas à s’ouvrir en France. »

PMA pour tous ?

« Ces bonnes nouvelles ne doivent pas faire oublier l’hypocrisie de la loi Taubira qui autorise l’adoption après une PMA à l’étranger mais on interdit l’accès à la PMA en France aux couples de femmes. Et ce, malgré les promesses de campagne de François Hollande » , dénonce également Nathalie Allain-Djerrah, présidente des Enfants d’Arc en ciel. Le président de la République avait indiqué qu’il attendait l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur l’assistance médicale à la procréation – repoussé fin 2015 aux dernières nouvelles – avant de se prononcer sur une éventuelle évolution de la législation. Pour relancer ce débat que le gouvernement semble aujourd’hui vouloir enterrer, les partisans de l’ouverture de la PMA pourraient miser sur une saisine de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) afin de lui poser la question de la compatibilité de la législation française avec la Convention européenne des droits de l’homme.

Les opposants à la loi Taubira craignent pour leur part que la digue entre « adoption pour tous » et « PMA pour tous » ne cède après ces arrêts qui consolident l’accès à l’adoption pour les couples homosexuels. « En principe, ces arrêts n’ouvrent pas la voie à l’ouverture de la PMA. Mais quand le droit devient incohérent, encourage de fait une pratique illégale et la conception d’enfants privés de père, on peut craindre le pire, se désole Ludovine de la Rochère, présidente de la Manif pour tous. Nous sommes prêts à retourner dans la rue si le sujet de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes revient sur la table » . Dans la même mouvance, l’association Juristes pour l’enfance espère de son côté que les procureurs de Versailles et d’Aix formeront un pourvoi « afin d’obliger la Cour de cassation à s’expliquer sur cette question sur laquelle elle a rendu en septembre dernier un avis lapidaire et non motivé » . « Le problème n’est pas tant la fraude à la loi que le détournement de l’institution de l’adoption, commente sa porte-parole, la juriste Aude Mirkovic. La justice continue à valider la fabrication d’enfants sans père. C’est regrettable pour les droits de l’enfant. »