La France sort le chéquier pour clore un contentieux sur la GPA

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Un père de jumeaux réclame que les actes civils établis à l’étranger soient transcrits en France

Julia Pascual
Pas moins de 33 750 euros. C’est la somme proposée par la France à M. X et à ses jumeaux nés d’une mère porteuse à l’étranger pour ne pas transcrire leurs actes de naissance à l’état civil français. « Cette somme ne sera soumise à aucun impôt et sera versée sur le compte bancaire indiqué par les requérants », précise l’agent du gouvernement, dans un document que Le Monde s’est procuré.

Cette proposition datée du 13 novembre, qui émane du ministre des affaires étrangères, vise à solder un contentieux dans lequel la France est poursuivie devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). « Le règlement vaudra règlement définitif de la cause » , précise ainsi le gouvernement.

Dans l’affaire qui les oppose à la France, les requérants réclament que les actes civils établis à l’étranger soient transcrits en France, une démarche qui leur facilitera notamment l’obtention d’actes de naissance, d’un livret de famille ou de passeports français. Or les autorités s’y refusent, considérant que cela reviendrait à reconnaître une pratique frauduleuse, la gestation pour autrui (GPA), en lui donnant des effets en droit français.

Une posture pourtant mise à mal en juin 2014, lorsque la France avait été condamnée par la CEDH : dans les arrêts Mennesson et Labassé, les juges avaient alors reconnu à la France le droit d’interdire la GPA sur son territoire mais, arguant de « l’intérêt supérieur de l’enfant », estimaient que les autorités françaises ne pouvaient porter atteinte à « l’identité » des bébés nés de mères porteuses à l’étranger en refusant de les reconnaître.

Dans l’offre faite aux requérants, le gouvernement « reconnaît que, en l’espèce, il y a eu violation de l’article 8 de la convention du fait du refus de transcrire les actes de naissance (…) sur les registres de l’état civil français » .

Pour l’avocate Caroline Mécary, qui défend les requérants, « on est face à un gouvernement qui ne respecte pas la jurisprudence de la CEDH et qui propose d’  » acheter  » la non-transcription du nom d’un enfant . Me Mécary défend deux autres requêtes similaires devant la CEDH, dont l’une a également fait l’objet d’une offre financière : « Elles ont été refusées dans les deux cas, mes clients ont trouvé la proposition de la France inacceptable. »

« Obstacle juridique »

Dans son argumentation, le gouvernement fait valoir un « obstacle juridique insurmontable à la transcription » , à savoir « l’autorité de la chose jugée » . Il se retranche ici derrière une décision de la Cour de cassation, qui a refusé de transcrire les états civils des enfants de M. X. Un argument qui ne tient pas, d’après le président de l’Association des familles homoparentales, Alexandre Urwicz : « Il a été démonté par le juge du tribunal de grande instance de Nantes dans le cas des époux Mennesson. » Ces derniers avaient eux aussi essuyé un refus de la Cour de cassation en 2008 de transcrire les états civils de leurs jumelles nées de GPA en 2000.

Depuis, ils ont porté l’affaire devant la CEDH, qui leur a donné raison et a condamné la France. Revenus devant le juge des référés de Nantes, les époux Mennesson ont obtenu gain de cause le 3 décembre. Le parquet de Nantes a toutefois fait appel.