GPA : la plus grande subversion féministe
La question de la gestation pour autrui (GPA) a fait irruption dans le débat sur le projet de loi ouvrant le mariage civil aux couples de personnes de même sexe, par effraction pourrait-on dire, lorsque la circulaire du ministère de la justice, annoncée dès le 16 janvier devant la Commission des lois, a fait l’objet d’une dépêche le 29 janvier. Pourtant, la circulaire rappelle avec raison le droit applicable : « Est français l’enfant dont l’un des parents est français » (article 18 du code civil) de sorte qu’un certificat de nationalité française – qui atteste de sa nationalité – doit pouvoir lui être délivré indépendamment de la conception. La circulaire n’abroge évidemment pas l’article 16-7 du code civil qui fonde depuis 1994 l’interdiction d’une convention dite de « mère porteuse ».
Cette réalité n’a nullement empêché les députés de l’opposition, qui ne sont pas à une dénégation près du réel, de saisir cette opportunité « politique » qui leur a été servi sur un plateau par un de ces énièmes couacs – dont la majorité présidentielle a manifestement le secret – pour agiter fantasmes et peurs irrationnelles à coups de mots-valises, de mots-slogans : « location de ventre », « location d’utérus », « enfant Play mobil », etc. Ce faisant, l’opposition a présenté le spectacle d’une très mauvaise comédie où l’homophobie et la violence des propos n’ont échappé à personne. Ces députés de l’opposition ont pratiqué jusqu’à l’écoeurement la rhétorique des dominos : ouvrir le mariage et l’adoption, c’est automatiquement ouvrir les techniques de procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui aux homosexuels.
Pourtant, il n’y a aucun rapport de cause à effet entre, d’une part, une ouverture du mariage et de l’adoption et, d’autre part, l’autorisation de la GPA. Qui plus est, l’opposition oublie qu’une Nadine Morano en son temps n’hésitait pas à dire publiquement qu’elle était favorable à la GPA à la condition qu’elle soit encadrée et altruiste. L’opposition se garde bien de rappeler qu’elle a, elle-même, été jusqu’à déposer une proposition de loi au Sénat, le 27 janvier 2010, sous la signature d’Alain Milon (UMP) « tendant à autoriser et encadrer la gestation pour autrui » .
Le président ayant rappelé qu’il n’était pas question de permettre la GPA, et la garde des sceaux en ayant fait de même, il ne devrait pas être interdit de nous interroger sur la légitimité de la demande de ces couples (hétéros ou homos) qui, désirant un enfant, sont amenés à avoir recours à une femme qui consent à porter pour eux un enfant. Aujourd’hui, avant même d’envisager le principe d’une possibilité de réglementation de la GPA, ce sont les dérives qui sont en permanence présentées. Or, encadrer la GPA par la loi, c’est la contrôler par le droit, c’est la surveiller et éviter ainsi les dérives. La loi libère de la faiblesse et des abus, la réglementation offre un cadre pour ceux qui le souhaitent mais n’impose aucune obligation à ceux qui ne le veulent pas.
Si l’on veut une pratique altruiste, il faut évidemment un cadre et non une prohibition absolue qui crée en parallèle des zones de violence et d’exploitation. Il y a plus de cinquante ans la naissance d’un enfant était imposé aux femmes, aujourd’hui chaque femme a le choix de devenir mère ou pas, y compris en ayant recours à l’IVG. Permettre la GPA, ce n’est pas l’imposer aux femmes. Ce sont les femmes et elles seules qui doivent avoir la possibilité du choix. Qui sont ces moralistes qui prétendent savoir pour elles et imposer à tous ce que serait la dignité des femmes. Qu’est-ce que la dignité ? Qu’est-ce que la dignité de l’ouvrier ou de la caissière qui louent leur force de travail, c’est-à-dire un corps, jour après jour, année après année, payant au passage un prix fort avec une espérance de vie largement inférieure à la moyenne.
En définitive, permettre aux femmes, qui y consentent dans un cadre légal, d’offrir un enfant à un couple qui ne peut en avoir, ne serait-ce pas la plus grande subversion féministe que l’on puisse imaginer : s’affranchir enfin du devoir d’être mère?