Caroline Mécary, Avocate homologuée

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Avocate activiste spécialisée dans la défense des droits des homosexuels, cette Parisienne de 46 ans sera de la Marche des fiertés, samedi.

CHARLOTTE ROTMAN Photo FRÉDÉRIC STUCIN. MYOP

Il y avait un vin d’honneur, des confettis et des grains de riz roses. Beaucoup de caméras aussi, venues du monde entier. Les mariés, l’un en costume à rayures, et l’autre en redingote blanche sont arrivés en Rolls Royce Silver Shadow pour être unis par Noël Mamère le maire Vert de Bègles (Gironde). C’était le 5 juin 2004, le premier et dernier, l’unique mariage gay, célébré en France. Dans la foule, anonyme, Caroline Mécary savoure le moment. Elle est de ceux qui ont fomenté le coup. Aux grilles de la mairie, des manifestants «anti pédés» vocifèrent leur haine et leur dégoût. N’empêche, elle se délecte de «ce moment historique».

Caroline Mécary est une avocate activiste. Depuis plus de dix ans, elle s’est spécialisée dans le droit des homosexuels et a arraché de belles victoires à une institution judiciaire souvent frileuse. «Elle a fait faire des progrès à l’homoparentalité. C’est un petit bout de femme que l’on pense chétive mais qui a une détermination impressionnante, dit Noël Mamère. Elle est tenace, pointilleuse, passionnée. A en épuiser plus d’un.» «Son côté rentre-dedans agace pas mal de magistrats», dit l’un d’eux, un ami qui, lui, pense au contraire que le droit ne sert pas à «faire prévaloir nos opinions ou à faire avancer des causes.»

Elle donne rendez-vous au musée d’Art moderne de la ville de Paris, «dans la salle de la Fée électricité , un endroit reposant» où elle vient souvent. On la trouve, dans la pénombre du musée, en contemplation devant l’immense fresque de Raoul Dufy avec, comme à son habitude, un rouge à lèvres très vif et un chemisier haut en couleur. Elle admire : «Il y a représentées ici toutes les générations qui ont participé à l’invention de l’électricité.» Plus sévère, elle ajoute : «Un seul défaut, il n’y a pas une seule femme. J’ai vérifié.»

On a l’impression qu’elle s’est préparée à l’entretien comme pour une plaidoirie. Elle a réfléchi à ce qu’elle allait dire et dans quel ordre. Ça, elle ne l’avoue qu’au fil de la discussion. Mais glisse que, si elle avait été un homme, avocat pénaliste, avec autant de succès, elle aurait eu son portrait dans Libé depuis longtemps. Elle enfonce le clou : «Le regard social est encore très sexué. On a davantage tendance à montrer ce que font les hommes, que ce que font les femmes.»

On a à peine sorti le calepin. Et la voilà qui dit : «Si je devais me définir… Je dirais : 1) Que je suis une femme.» On la laisse poursuivre, amusé de sa volonté de tout maîtriser. Même les confidences, et le récit de soi. «Etre une femme n’est pas anodin dans ma façon d’exercer mon métier.» Elle enchaîne : «Mon père, un maronite libanais, directeur commercial d’une boîte informatique est tombé amoureux de ma mère, issue de la petite bourgeoisie de Saint-Etienne, une artiste qui a toujours été fantasque. Je suis la rencontre de ces deux êtres, l’aînée de cinq.» On la laisse faire en attendant de voir où elle veut en venir. «Très vite, je vais comprendre qu’il y a une différence au sein de ma famille. En tant que fille, je n’ai pas les mêmes droits.» Elle doit aider sa mère dans les tâches domestiques et ranger sa chambre, pas ses frères : «La différence induisait quelque chose d’arbitraire.» Cela n’empêche pas qu’elle aime aujourd’hui se retrouver en famille. «On est très différents, mais comme les doigts de la main.» Elle poursuit : «Il y a une continuité dans mes engagements.» Ah, nous y voilà. «Ce qui est insupportable, ce n’est pas la différence, mais les hiérarchies que cela crée. Entre un homme et une femme, un national et un étranger, un hétérosexuel et un homosexuel.»

Elle enchaîne. «Ensuite : 2) Je suis avocate.»Elle le précise parce que son métier est une «vocation». Elle parle même de «sacerdoce». Pourtant le mot ne colle pas : elle n’est pas dans le sacrifice, et tire de nombreuses gratifications de son métier. L’argent : 7 000 euros mensuels en moyenne. Les honneurs : elle fut élue au conseil de l’ordre de Paris, le plaisir à exercer. Peu importe, elle est lancée. A l’âge de 13 ans, elle perd son père, d’une crise cardiaque. «C’était un homme très droit, un pilier. Du jour au lendemain je suis passée d’un monde protégé au chaos.» A cette époque, une prof de français qu’elle apprécie (elle a de toute façon toujours aimé l’école), lui souffle : «Vous devriez devenir avocat, vous prenez toujours la défense des autres.»

Elle a prêté serment en 1991. En tant qu’avocate, elle se sent «la dépositaire d’une histoire», celle du client, qu’elle raconte à un juge, même si elle a souvent l’impression «de toquer à la porte d’un magistrat qui n’a pas envie de [l’]entendre». «Elle ne pourrait pas défendre une thèse à laquelle elle n’adhère pas, dit encore son ami magistrat. Elle prend tout tellement à coeur, que c’est une blessure personnelle de perdre un procès.»

Elle n’a jamais oublié «le regard de mépris» qu’a lancé le juge à un de ses clients, un juif très religieux qui divorçait pour assumer son homosexualité. C’était en 1997. Depuis, elle n’a plus lâché. Car, elle est : «3) Une militante.» «Ceux qui s’opposent à ce que je défends en me qualifiant de militante veulent me décrédibiliser.» Mais finalement, c’est une posture qu’elle revendique. Car elle n’acceptera jamais que «l’homosexualité justifie une inégalité de traitement». Elle a été à l’origine de plusieurs décisions favorables aux homoparents : adoption simple par une femme des enfants de sa compagne, accord de la Cour de cassation à une délégation d’autorité parentale pour des lesbiennes, condamnation de la France qui avait refusé un agrément à une candidate à l’adoption homosexuelle par la cour européenne des droits de l’homme qui examinera bientôt la validité du mariage de Bègles, etc. «On arrive dans certains cas à débloquer des situations, mais cela reste insuffisant. Il faut que le législateur intervienne.»La jurisprudence comme arme de combat. «Le droit est un instrument politique, jamais neutre, à disposition des citoyens», pense -t-elle. Après tout, la légalisation de l’IVG est venue dans le sillage du procès de Bobigny. Mécary, la Gisèle Halimi des homos ?

Ancienne coureuse de fond, elle est ceinture noire de karaté, adore voyager. Quand on lui demande les livres qu’elle aime (ça, elle n’avait pas préparé), elle ne répond que le lendemain, par mail : «Je ne me sens pas d’une seule culture, ni d’un seul domaine ou d’un seul genre (qu’il soit littéraire, musical ou autre).» De fait, elle cite aussi bien Balzac et Proust que Selby, Duras ou Philippe K. Dick. Mozart (elle est abonnée à l’opéra) mais également Oum Kalsoum, Barbara, Diam’s ou Marianne Faithfull. Elle a également été militante verte et vient de prendre la tête de la fondation Copernic, un think tank de gauche.

Elle sera ce samedi à la Gay Pride, avec plus d’un demi-million de personnes. «Tant qu’il n’y a pas de banalisation dans le droit, la Marche des fiertés est importante, car c’est un retournement de l’assignation à être honteux.» Elle ne l’est pas. Elle rechigne à parler de sa vie privée, mais quand elle sort (surtout si c’est dans un endroit guindé), elle s’amuse quand elle présente la personne avec qui elle est pacsée depuis sept ans : «Voici mon mari. Elle s’appelle Fleur.»