Le mariage au risque du pacs.

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Les droits associés au pacs se sont fortement rapprochés de ceux du mariage. À ce jour, toutefois, les deux formes d’union restent différentes.

LAMOUREUX Marine

Les tendances sont connues : en France, le nombre de mariages baisse régulièrement chaque année (lire les Repères) et en 2006, pour la première fois, le nombre d’enfants nés hors mariage a franchi la barre symbolique des 50 %. Parallèlement, l’augmentation du nombre de pactes civils de solidarité se confirme : l’année dernière, plus de 100 000 pacs ont été signés, contre moins de 20 000 en 2001. Cette forme d’union, qui aura dix ans d’existence l’an prochain, attire désormais en grande majorité des couples hétérosexuels.

Il faut dire que les droits des pacsés n’ont cessé de s’étoffer depuis la loi du 15 novembre 1999. « Au départ, il s’agissait de trouver une solution juridique pour protéger les couples homosexuels et l’on a présenté cette forme d’union comme un simple contrat très différent du mariage », rappelle l’avocate Caroline Mécary, auteur de plusieurs ouvrages sur le pacs (1). Mais depuis, les différences se sont fortement réduites d’un point de vue juridique. En 2005, le Parlement a voté l’imposition commune et la solidarité fiscale des pacsés ; l’année suivante, il a renforcé la protection du partenaire survivant en lui permettant de disposer du logement commun pendant un an après le décès. En août 2007, enfin, la loi a calqué le régime des donations et des successions sur celui des époux, prévoyant l’exonération totale des droits de succession du pacsé survivant sur la part qui lui revient. Le pacs a aussi accédé à l’inscription sur les registres d’état civil.

À ces évolutions, qui ont rapproché le pacs du mariage, même s’il reste des différences en matière patrimoniale, de pension de réversion ou de présomption de paternité (2), s’en ajoute une autre, en miroir : « Le mariage se rapproche du pacs. On le voit dans la volonté de faciliter la rupture », souligne Caroline Mecary. À l’heure actuelle, le pacs est en effet beaucoup plus facile à dissoudre que le mariage, puisqu’il suffit d’adresser au tribunal d’instance une « déclaration conjointe de dissolution ». Les mariés, eux, doivent passer devant le juge. Toutefois, on évoque aujourd’hui la possible « déjudiciarisation » du divorce en cas de consentement mutuel (lire l’article sur le divorce, page suivante).

Le projet fait grincer des dents. Et l’on peut voir dans ces crispations le signe d’un attachement à la spécificité du mariage. « Le mariage est non seulement un contrat mais une institution, fait remarquer Patrice Gélard, sénateur UMP de Seine-Maritime, fervent opposant à la déjudiciarisation du divorce. On ne peut pas le balayer d’un trait de plume, même si l’on est d’accord pour se séparer », poursuit-il. Aux yeux du parlementaire, supprimer les recours au juge serait « vider peu à peu le mariage de son contenu institutionnel ». L’avocate Caroline Mécary confirme que « le mariage dépasse la notion de contrat, car l’État est le garant du respect de certaines règles : on passe devant le maire pour s’unir et devant le juge pour rompre. »

Pour le sociologue Xavier Lacroix, membre du Comité consultatif national d’éthique, cette spécificité institutionnelle a du poids et du sens. « Quels que soient les fragilités et les aléas de l’histoire singulière du couple, il y a et il y aura toujours une différence entre l’union « de fait », celle où les partenaires restent ensemble « tant que ça marche » (…), et l’union « voulue », résolue, publiquement affirmée comme telle et consentant à être instituée, ce qui veut dire impliquant un tiers », écrit-il (3), rappelant l’importance du lien conjugal dans ce qui fonde la famille, que certains sont aujourd’hui tentés de réduire à la seule filiation. Sans nier des « tendances lourdes » de la société et le recul du mariage, Xavier Lacroix dit « avoir du mal à imaginer une société où [celui-ci] serait caduc ». À l’heure actuelle, un pacs est signé pour près de trois mariages célébrés.