Adoption, exéquatur et condamnation du procureur à un article 700 justifié
Le tribunal de Nantes vient d’ordonner l’exequatur d’un jugement d’adoption britannique qui a été prononcé au bénéfice d’un couple d’hommes qui ne sont pas mariés.
Les clients, dans un premier temps, avaient sollicité seuls une vérification d’opposabilité auprès du parquet de Nantes, qui la leur a refusé, au motif qu’ils n’étaient pas mariés; le parquet les avait invité à saisir le tribunal pour contester sa décision.
C’est dans ce cadre que les clients sont venus me voir et que j’ai contesté la décision du ministère public, en rappelant que depuis deux arrêts du 7 juin 2012, la cour de cassation ne considère pas que le mariage était un principe essentiel de l’adoption, en d’autres termes, il est possible depuis 2012 d’obtenir l’exequatur d’un jugement d’adoption étranger, même si le couple n’est pas marié. (À la suite de ces deux arrêts de la cour de cassation qui concernaient deux couples que je défendais, J’avais obtenu de la cour d’appel de Versailles, cour de renvoi, deux arrêts ordonnant l’exequatur en 2014 et en 2015).
Le tribunal de Nantes – qui est toujours formidable sur ces sujets – vient de me donner raison entièrement en ordonnant l’exéquatur demandée.
Ce qui est remarquable dans ce jugement, ce n’était pas tant la décision d’exequatur qui est l’application normale du droit positif, mais la motivation pour fixer un article 700 que j’avais sollicité.
Voici la motivation du tribunal :
« Il est est exact que la cour de cassation a toujours affirmé que l’article 346 du Code civil, qui réserve l’adoption conjointe a des couples unis par le mariage ne consacre pas un principe essentiel reconnu par le droit français.
Ce seul motif ne pouvait donc justifier le refus d’opposabilité en France de la décision étrangère par le ministère public le 13 décembre 2021.
De plus, le procureur de la République ne peut reprocher aux demandeurs de ne pas avoir contesté en droit cette décision de refus de transcription et d’avoir fait le choix d’engager une action en exequatur puisque Monsieur A et Monsieur B se sont exactement pliés à ce qui leur était indiqué dans le courrier du 13 décembre 2021, qui rappelait que si ils entendaient contester cette décision, il pouvait :
« – soit assigner mon parquet devant le tribunal judiciaire de Nantes par l’intermédiaire d’un avocat, après avoir sollicité si nécessaire, le bénéfice de l’aide juridictionnelle,
– soit engager une procédure d’exequatur par l’intermédiaire d’un avocat devant le tribunal judiciaire de son choix territorialement compétent (…) »
Dans les deux cas la nécessité d’engager une action judiciaire dans le cadre d’une procédure avec représentation obligatoire induisait des frais.
Il apparaît en conséquence équitable que le trésor public verse à Monsieur A et Monsieur B, la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »