Abroger ou réécrire la loi Taubira soulève de vraies questions de droit

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Progressivement, les ténors de droite prennent position, de façon plus ou moins claire, sur ce que la droite ferait du « mariage pour tous » en cas de retour au pouvoir. Abrogation, réécriture : certains scénarios semblent plus plausibles juridiquement que d’autres, même si le débat entre juristes n’est pas clos.

DE BOISSIEU Laurent

La loi Taubira pourrait-elle être purement et simplement abrogée ?

Hervé Mariton s’est prononcé en faveur de cette solution. Il remplacerait la loi actuelle par une union civile homosexuelle avec les mêmes droits que le mariage hétérosexuel, sauf l’adoption. Une certitude: il serait constitutionnellement impossible de « démarier » rétroactivement les couples homosexuels auparavant mariés, ce que du reste aucune personnalité politique ne propose. Pour le reste, les juristes ne sont pas unanimes.

L’avocate Caroline Mécary, qui défend les droits des homosexuels, assure qu’« à partir du moment où la France a accordé un droit qui constitue un progrès social, le Conseil constitutionnel censure tout retour en arrière ». Cette règle « du cliquet » ou « des droits acquis », combinée à une autre jurisprudence du Conseil constitutionnel « déclarant que la liberté de se marier est une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle », permet à cette élue francilienne d’Europe Écologie-Les Verts de conclure que « le Conseil constitutionnel censurerait dorénavant une union civile homosexuelle en ce qu’elle serait constitutive d’une ségrégation entre couples hétérosexuels et couples homosexuels ».

Absolument pas, rétorque Henri de Beauregard, un des avocats de « La manif pour tous ». « Le Conseil constitutionnel a jugé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme pouvait justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille , énonce l’avocat. À partir du moment où il ne s’agit pas d’une liberté fondamentale, le législateur peut défaire ce qu’il a fait. »

Pourrait-on avoir deux mariages avec des droits différents ?

Si Nicolas Sarkozy a fini, sous la pression des militants de Sens commun (lire La Croix d’hier), par reprendre à son compte le verbe « abroger » , il veut en réalité « un mariage pour les homosexuels et un mariage pour les hétérosexuels », sans préciser sur quoi porterait la différence de droits entre les deux. Sur une ligne proche, Bruno Le Maire entend conserver le mariage homosexuel avec l’adoption simple tout en ouvrant le débat sur l’adoption plénière.

Cette fois, les avocats tombent juridiquement d’accord. « Le législateur pourrait voter deux régimes d’union, l’un lié à la filiation et l’autre non, mais je ne pense pas qu’on puisse alors conserver le même mot pour désigner deux réalités juridiques différentes », conclut Henri de Beauregard. Selon sa consoeur Caroline Mécary, « il serait impossible de fonder une différence juridique entre mariage homosexuel et mariage hétérosexuel sans que le Conseil constitutionnel ne la censure, au nom des principes d’égalité et de non-discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ».

Pourrait-on contrer la jurisprudence sur les PMA et GPA pratiquées à l’étranger ?

Concernant le recours à l’étranger à la GPA ou à des formes de PMA interdites en France, la Cour de cassation a statué pour l’adoption par l’épouse de la mère biologique, tandis que la Cour européenne des droits de l’homme a obligé la France à retranscrire dans l’état civil français la filiation étrangère. Les trois candidats à la présidence de l’UMP, tout comme Alain Juppé, entendent contrer ces deux jurisprudences.

« Cela constituerait une violation de la Convention internationale des droits de l’enfant, qui stipule que l’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir » , affirme Caroline Mécary. Henri de Beauregard nuance cette analyse. « Le législateur peut toujours contrer une jurisprudence de la Cour de cassation, comme il l’a fait, dans un autre registre, avec l’arrêt Perruche (sur le « préjudice d’être né », NDLR) ». L’avocat de « La manif pour tous » admet néanmoins que l’affaire serait peut-être « plus compliquée » pour la Cour européenne des droits de l’homme.