Le bon droit des enfants issus de GPA

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La France ne peut refuser la nationalité après une naissance par mère porteuse étrangère.

Marie-Joëlle Gros

Oui, un contrat passé à l’étranger entre un couple de Français et une mère porteuse est illégal au regard du droit français. Mais non, on ne peut pas pour autant priver les enfants ainsi conçus de la nationalité française. Telle est la décision rendue vendredi par le Conseil d’Etat.

Pour les familles concernées, c’est «une très bonne nouvelle», mais aussi «un simple rappel du droit». C’est effectivement la règle en France : un enfant doit se voir accorder la nationalité française si au moins l’un de ses deux parents est français. Et c’est le cas avec les enfants nés d’une gestation pour autrui (GPA) : les spermatozoïdes du père et les ovocytes de la mère, quand c’est possible, ont formé l’embryon qui a été implanté dans l’utérus de la gestatrice. Mais depuis une quinzaine d’années, l’administration française refuse systématiquement de reconnaître ces enfants, en cas de suspicion de GPA.

Paralysie. Pour leur permettre de vivre malgré tout comme les autres, Christiane Taubira, ministre de la Justice, avait signé le 25 janvier 2013 une circulaire demandant aux procureurs des tribunaux d’instance et aux greffiers de leur délivrer des certificats de nationalité française. A peine signée, cette circulaire était attaquée par des députés UMP et cinq associations devant le Conseil d’Etat, l’accusant de chercher à contourner l’interdiction de la GPA en France. A partir de là, dans les tribunaux de grande instance comme dans toutes les administrations concernées, les dossiers des familles en attente d’un certificat de nationalité, mais aussi d’un passeport français ou même d’une simple carte d’identité, ont été suspendus «à la décision du Conseil d’Etat». Paralysie totale.

«L’excuse de la circulaire critiquée ne tient plus», résumait vendredi Patrice Spinosi, l’avocat de Sylvie et Dominique Mennesson, fondateurs de l’association Clara (Comité de soutien pour la légalisation de la gestation pour autrui et l’aide à la reproduction assistée). Elle devrait également permettre de débloquer les dossiers de 44 enfants qui prennent la poussière depuis un an.

Mais, au-delà de la nationalité, il y a la reconnaissance de la filiation. Or, l’administration française met un point d’honneur à ne pas délivrer de livret de famille à ces couples qui ont eu recours à une mère porteuse parce qu’ils sont infertiles. Ce déni français des liens qui unissent les enfants à leurs parents a été condamné le 26 septembre par la Cour européenne des droits de l’homme. Pas moyen d’y couper, la France a l’obligation de mettre son droit en conformité. Pourtant, le sort des enfants n’a pas bougé d’un iota. Manuel Valls a même assuré à la Croix que la France ne transcrirait pas les actes de naissance des enfants nés d’une GPA dans les registres de l’état civil. Gonflé.

«Baffe». La décision du Conseil d’Etat vient lui rappeler que «le droit s’applique. C’est une baffe pour Valls», commente Caroline Mécary, avocate de familles homos et hétéros qui ont eu recours à la GPA. Et la Manif pour tous peut reprocher au Conseil d’Etat de «n’avoir pas pris la liberté de rendre une décision courageuse», la question n’est pas là. Après la justice administrative, c’est maintenant aux tribunaux de mettre en pratique la condamnation européenne. Au moins quatre requêtes ont déjà été déposées au parquet de Nantes. Celle des Mennesson, qui avait été refusée par le procureur, lui sera à nouveau adressée en janvier. «Ces enfants sont les nouveaux bâtards de la République, ses enfants illégitimes. Cela doit cesser», estime la sociologue Irène Théry. «Ils doivent être reconnus dans la plénitude de leurs droits», complète Patrice Spinosi.