Peut-on abroger la loi sur le mariage pour tous ?

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HARREAU Sabine
Un débat qui resurgit

«La loi Taubira devra être ré- écrite, abrogée pour en faire une autre », a déclaré Nicolas Sarkozy, le 15 novembre, un an et demi après le vote de la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels. L’ex-président a relancé la polémique lors d’un meeting de Sens commun, une nouvelle structure de l’UMP issue de la Manif pour tous. Des propos aussitôt condamnés par la gauche et par plusieurs membres de l’UMP. Ainsi, Alain Juppé a répliqué : « Dans l’évolution de notre société, nous avons franchi une étape. Cette aspiration-là fait partie des acquis et on ne reviendra pas dessus. »

Juridiquement possible…

«Le Parlement qui adopte une loi a le droit de la modifier », affirme Didier Maus, constitutionnaliste. Il serait donc possible de réécrire la loi, pour la compléter ou la modifier et créer une autre forme d’union entre personnes de même sexe. « À ceci près, reprend Didier Maus, qu’on ne peut pas annuler les situations qui ont été acquises durant la période de l’application de cette loi : on ne pourra ni « démarier », ni « désadopter », mais on peut tout à fait envisager qu’à partir d’une date, le mariage et l’adoption par des couples de même sexe ne sont plus possibles. » Caroline Mécary, avocate en droit des familles et soutien du mariage pour tous, oppose que « le Parlement ayant ouvert des droits nouveaux, le Conseil constitutionnel a toute chance de considérer qu’un texte parlementaire qui abrogerait ces droits est non constitutionnel ». Une opinion que ne partage pas Geoffroy de Vries, avocat du collectif des Maires pour l’enfance : « Si, en 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que la loi Taubira n’est pas contraire à la Constitution, c’est qu’il estimait qu’il n’avait pas à se substituer au choix du législateur. Autrement dit, le Parlement est libre de définir ce qu’est le mariage sans que le Conseil constitutionnel lui fasse obstacle. » Pour changer la loi, l’avocat envisage aussi le recours au référendum, qui permettrait d’échapper au contrôle du Conseil constitutionnel. « Il n’y a pas un droit à référendum sur tous les sujets, tempère Didier Maus. Il faut une loi relative à la politique économique ou sociale de la nation, ce qui n’est pas le cas. »

… mais socialement difficile

Si la loi était abrogée, « un couple homosexuel pourrait saisir la Cour européenne des droits de l’homme, car cela aboutirait à une discrimination entre ceux qui auraient pu se marier et adopter et ceux qui ne le pourraient plus », souligne Caroline Mécary. Au-delà des arguments juridiques, il sera difficile aux politiques de ne pas tenir compte de l’opinion publique qui évolue en faveur des droits des couples homosexuels. Selon un sondage Ifop* paru le 15 novembre, 68 % des Français sont aujourd’hui favorables au mariage pour tous.