A Bègles, mariage houleux, mariage heureux?

logo-Libération

La première union gay est célébrée samedi matin dans une ambiance électrique.

ROTMAN Charlotte
Bègles, envoyée spéciale.

On retouche sa robe de mariée, on astique les alliances. On espère secrètement que le grand-oncle ne viendra pas. On sermonne le DJ. Et on craint pour la météo. Délicieusement anxieux. Cette fois, l’attente prénuptiale de Stéphane et Bertrand, les futurs époux de Bègles, ressemble à une veillée d’armes. A l’approche de la célébration, ce samedi, du premier mariage homosexuel en France, la tension monte. Pressions politiques sur le maire, lettres d’insultes, intimidation, avertissements du procureur qui soupçonne une «domiciliation fictive», surveillance drastique des services de police : tout est mis en oeuvre pour que l’union des deux hommes ne se fasse pas (Libération de vendredi). Pour qu’en aucun cas leurs épousailles ne soient un mariage comme un autre. Et pour dégoûter les autres candidats, maires ou fiancée(e)s.

Soutien. «On est très stressés, c’est la folie», avouait Bertrand, vendredi à Libération. Quand ils ont porté leur dossier de mariage à la mairie de Bègles, les deux hommes étaient loin d’imaginer un tel déferlement. «On ne s’attendait pas à autant de réactions. Pas dans ses proportions. Tout le monde se déchire», réalisait Bertrand vendredi. Même Jean-Marie Le Pen qui, après avoir dit à Lyon qu’il était favorable au mariage des homosexuels, s’y dit aujourd’hui «absolument opposé». «Mais plus ils en font, et plus on sera déterminés. On ira jusqu’au bout», assurent Bertrand et Stéphane. Leurs familles les soutiennent. Comme les amis qui appellent toutes les heures pour leur dire de tenir le coup. Samedi, le grand frère de Stéphane sera son témoin. Et une soixantaine d’invités se pressera pour les entendre se dire «oui».

Noël Mamère n’a pas l’intention de revenir en arrière. Malgré les ultimes pressions. Selon le procureur de Bordeaux, Bertrand de Loze, les candidats ne seraient pas domiciliés à Bègles. Sur la demande expresse du garde des Sceaux, le parquet s’est démené depuis l’annonce du mariage. Il avait déjà manifesté son opposition au maire, et envoyé un courrier d’avertissement à ses adjoints habilités à marier. Jeudi, il a fait savoir que Noël Mamère n’était pas compétent territorialement. Selon le procureur, «l’adresse fournie ne correspond pas à une habitation effective». L’huissier envoyé par le procureur aurait constaté qu’ils ne vivaient pas là. Le parquet a alors demandé à des enquêteurs d’interroger la logeuse. Selon Me Caroline Mécary, qui conseille Noël Mamère, la logeuse aurait paniqué lors de son interrogatoire et reviendrait aujourd’hui sur la déposition qu’elle a faite. «Bertrand habite à St-Aubin (une commune proche de Bordeaux ndlr), explique Stéphane. Edith avait besoin de quelqu’un à cause d’un problème de hanche. Je suis aide-soignant. On a fait un bail à titre gratuit, en échange d’une aide à domicile.» Les deux hommes disent avoir joint ce bail ­ dont Libération a pu constater qu’il avait bien été signé le 5 janvier ­ lors du dépôt de leur dossier de mariage.

Voyage de noces. Hier, à la mairie, on se montrait serein. Les employés délivraient les accréditations aux 130 journalistes français, belges, hollandais et même japonais. Noël Mamère essayait de rester souriant et, très professionnel, continuait à raconter des histoires de morue, puisque ce week-end se tient aussi à Bègles sa fête traditionnelle. Quant aux futurs époux, ils essayaient de penser à autre chose. Une agence de voyage gay leur offrira un voyage de noces. Hier, ils hésitaient : île Maurice ou St-Barthélemy ?