65 000 pacs ont été conclus en trois ans mais les associations veulent améliorer le texte
Le troisième anniversaire du pacte civil de solidarité, que Jacques Chirac s’est engagé à réformer, est pour elles l’occasion de rappeler les discriminations persistantes par rapport au mariage
Promulguée il y a tout juste trois ans, le 15 novembre 1999, par le président de la République Jacques Chirac, la loi sur le pacs sera-t-elle bientôt réformée ? En campagne électorale, il s’était engagé – dans le numéro d’avril du mensuel gay Têtu – à apporter des améliorations au pacte civil de solidarité, dont il reconnaissait « l’apport symbolique » . « Une réflexion mérite d’être menée sur plusieurs points, notamment de l’ordre du juridique et du fiscal, avait-il alors déclaré. Par ailleurs, le pacs ne résout pas, tant s’en faut, tous les problèmes rencontrés par les couples homosexuels, notamment en ce qui concerne le logement et les successions » (Le Monde du 20 mars 2002).
A l’Elysée, on confirme aujourd’hui que « les choses ne resteront pas en l’état » : « Nous avons confié à la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice une évaluation sur les aspects positifs et négatifs de la situation actuelle. Cette évaluation, qui devrait durer encore trois ou quatre mois, a pour vocation de voir dans quel sens faire évoluer la loi. » Pourtant, l’amendement défendu le 16 octobre par le député (PS) de Paris Patrick Bloche, lors du débat sur la loi de finances, qui prévoyait la suppression du délai de trois ans préalable à l’imposition commune des partenaires, a été rejeté.
Et le ministre délégué à la famille, Christian Jacob, interrogé dans le numéro du 10 octobre du magazine Valeurs actuelles sur l’éventualité de rouvrir le débat sur le pacs, déclarait : « Je ne vois pas l’intérêt. » Un brin revanchard, il poursuivait : « Le pacs, vous save z, ce n’est pas vraiment un succès : 48 000 ont été signés depuis sa création. On est loin des prévisions du gouvernement socialiste ! »
En fait, 65 000 pacs ont été conclus en trois ans – les comptes du ministère de la justice étant arrêtés au 30 septembre 2002. Contrairement à certains augures, on ne note pas d’effondrement : 22 276 pacs ont été signés en 2000, 19 632 en 2001. Et 16 941 durant les neuf premiers mois de 2002, ce qui, en rythme annuel, amènerait, cette année, à un total de 22 588 pacs.
4 635 RUPTURES Pour la première fois, le ministère de la justice est également en mesure de fournir une autre statistique intéressante : celle des dissolutions de pacs. En trois ans, 4 635 pacs ont été rompus (soit 5,5 % de l’ensemble des pacs conclus). Des ruptures discrètes, qui n’ont guère suscité de contentieux entre anciens pacsés, constatent unanimement associations, notaires, avocats, magistrats. « C’est dans l’esprit du texte, qui est un contrat souple : ce n’est pas une affaire d’Etat de se séparer » , commente-t-on au CGL (Centre gay et lesbien).
Chez Sida Info Service, on estime même « curieux » qu’il n’y ait pas plus de conflits au moment de la rupture « alors que le régime des biens, l’indivision, n’est pas le plus favorable puisque si l’on veut que les biens ne tombent pas dans l’escarcelle commune, il faut le préciser à chaque achat : sans doute est-ce parce que davantage de précautions juridiques sont prises à l’avance » … Jacques Combret, du Conseil supérieur du notariat, confirme un recours croissant aux notaires, « une véritable prise de conscience qu’il faut un contrat qui tienne la route ». Trois ans, « c’est un peu court pour bâtir un patrimoine ou construire une famille, principales causes de conflit au moment des ruptures , complète Caroline Mécary, avocate spécialisée dans le droit des homosexuels. Le plus souvent, les divorces ne sont conflictuels qu’après une dizaine d’années de vie commune ».
Le troisième anniversaire du pacs est également l’occasion, pour les associations membres de l’Observatoire du pacs (LDH, Aides, Act up, Sida Info Service, SOS-Homophobie, Ardhis, Prochoix, APGL), de rappeler les discriminations qui demeurent par rapport au mariage : les partenaires pacsés n’héritent pas l’un de l’autre ; l’imposition commune n’est possible qu’au bout de trois ans ; le partenaire survivant de la victime d’un accident de travail n’a pas droit à une rente viagère ; il n’y a pas de délivrance automatique d’un titre de séjour pour le partenaire étranger, « délivrance laissée à l’appréciation discrétionnaire, pour ne pas dire arbitraire, des préfectures »…
Le télégramme envoyé par le ministère de l’intérieur du gouvernement Jospin à tous les préfets pour réduire à un an (et non plus trois) la durée de vie commune nécessaire à la délivrance d’un titre de séjour pour le partenaire étranger d’un pacsé français ( Le Monde du 9 avril 2002), « n’est pas appliqué dans certaines préfectures comme Lyon, Lille, Bordeaux ou Nice », déplore Guillermo Rodriguez, de l’Ardhis. « Nous avons été reçus par le ministère de l’intérieur il y a deux semaines, mais nos interlocuteurs ont refusé de se positionner sur ce télégramme, qui n’a pas de valeur juridique. »
Enfin, l’Observatoire du pacs réclame une véritable loi pénalisant les insultes homophobes, et s’interroge sur le blocage de la classe politique concernant l’homoparentalité . « Peut-on encore continuer à brandir le spectre de la désintégration psychologique (…) alors que des homosexuel(le)s élèvent déjà des enfants sans que cela produise un traumatisme quelconque ? »
Pascale Krémer