Vingt ans pas toujours roses

La chaîne cryptée célèbre deux décennies de sa « Nuit gay . L’occasion de revenir sur l’évolution des mentalités

Christine Rousseau
Mardi 20 – à partirde 21 Heures Documentaires – En 1995, alors que la Gaypride connaît un tournant tant dans sa fréquentation que dans son rayonnement à travers la France, Canal+ lance la première « Nuit gay » pour faire « reculer la peur, la honte et l’incompréhension », selon Alain Burosse, son créateur.

Pour célébrer cet anniversaire, la chaîne cryptée a choisi, à travers le documentaire de Michel Royer, de jeter un coup d’oeil dans le rétroviseur, moins pour s’y mirer – même si ce programme joua un rôle non négligeable dans la visibilité et l’acceptation de la communauté lesbienne, gay, bi et transsexuelle (LGBT) – que pour mesurer l’évolution des mentalités dans la société française.

Batailles souvent violentes

Pour ce faire, deux jeunes étudiants en journalisme sensibles à cette cause ont interrogé une dizaine de personnalités (Christiane Taubira, Marie Labory, Alain Guiraudie…) sur leur engagement et leur appréhension d’une période qui marque, grâce à la découverte, en 1996, du traitement du sida par les trithérapies, la « sortie des années noires » (Jean-Paul Gaultier).

Plus encore que le succès grandissant de la Gaypride, le coming out de personnalités (Bertrand Delanoë, Amélie Mauresmo…) ou le rôle des médias, l’épidémie est sans aucun doute le facteur majeur de sensibilisation, comme le souligne Roselyne Bachelot : « La communauté homosexuellea étéun élément moteur, pédagogique, parce qu’au chevet des malades, elle a décidé qu’ils n’étaient pas des objets, mais des sujets de droit. » Et la question des droits, justement, sera au coeur des grandes batailles – souvent violentes – de ces décennies pour combler le « no man’s land juridique » (Caroline Mécary, avocate) dans lequel se trouvait la communauté LGBT.

De la représentation presque normalisée des homosexuels à la télévision (en particulier dans les téléfilms et les séries) aux avancées juridiques marquées par le PACS en 1998 et le mariage pour tous en 2013, le tableau illustré de nombreuses archives télévisuelles pourrait presque paraître rose, s’il ne restait quelques douloureuses questions en suspens, dont la reconnaissance des transsexuels ou encore l’homophobie – un des combats de Louis-Georges Tin, à l’origine de la Journée mondiale contre l’homophobie.

Mais aussi celui de l’artiste anglais Paul Harfleet qui, depuis dix ans, sillonne le monde pour planter une fleur, une pensée ( pansy signifiant aussi « tapette ») sur les lieux des actes homophobes et transphobes; avant de les photographier et de les poster sur les réseaux sociaux afin qu’ils se muent en lieu de mémoire, de résistance pacifique et de guérison. Loin d’une bluette artistique, le documentaire écrit par Lionel Bernard et Jean-Baptiste Erreca touche autant par les témoignages des victimes que par une geste pacifique et poétique. Une pensée salutaire pour panser.