Pourra-t-on un jour faire cesser les sorties homophobes de Hanouna ?

logo-Libération

Frantz Durupt

Jeudi, le présentateur de Touche pas à mon poste (TPMP) sur C8 animait en prime-time Radio Baba, une émission reprenant le concept des libres antennes radio. Une séquence est revenue plusieurs fois : une farce consistant à piéger des homosexuels via une fausse annonce passée sur un site de rencontres.

L’homophobie de Hanouna et de ses émissions a déjà été documentée, notamment par l’Association des journalistes lesbiennes, gays, bi et trans (AJLGBT) qui avait relevé, durant un mois, avec quel naturel les remarques homophobes fusaient sur le plateau. Elle avait aussi pointé des remarques racistes et sexistes.

La diffusion de la séquence de jeudi a suscité de nombreuses réactions. «Plusieurs centaines de téléspectateurs» ont ainsi alerté le CSA, a indiqué l’instance. Contacté par l’Express, l’animateur s’est défendu : «Je suis le plus fervent défenseur de l’association le Refuge, dont j’ai défendu la cause depuis le début de la semaine. Il n’y aura jamais aucune séquence homophobe dans l’émission.» Une opération de «pinkwashing» que dénonce Joël Deumier, le président de SOS Homophobie, joint par Libération : «C’est une posture pour se racheter une bonne conscience. Ça n’efface pas du tout les propos qu’il a pu tenir [jeudi] soir et qui sont totalement homophobes.»

C8 fait actuellement l’objet de deux procédures du CSA pouvant mener à des sanctions à la suite de séquences de TPMP. La première, au motif d’«atteinte au respect de la personne humaine», porte sur l’humiliation du chroniqueur Matthieu Delormeau par Hanouna. La seconde sur des agressions sexuelles commises dans l’émission. Ces dossiers sont entre les mains d’un rapporteur indépendant, saisi par le CSA en novembre et dont les conclusions sont toujours attendues six mois plus tard.

Au-delà de l’instance, existe-t-il d’autres moyens légaux d’agir ? Pour l’avocate et conseillère EE-LV de Paris Caroline Mécary, «la question est toujours de savoir ce qui dépasse ou pas la liberté d’expression». Selon elle, il serait envisageable que des associations lancent des poursuites pour «provocation à la haine en raison de l’orientation sexuelle». Le Refuge indique pour sa part que son avocat va vérifier «si des poursuites sont susceptibles d’être engagées». L’hypothèse est aussi sur la table chez SOS Homophobie, indique Joël Deumier, dubitatif : «C’est difficile, encore aujourd’hui, de faire prévaloir le caractère homophobe d’un propos sur le principe de la liberté d’expression.» Quant au fait qu’une des victimes a donné son nom sans savoir qu’elle était à la télé, «il n’y a que la personne qui peut agir pour atteinte à la vie privée», note Mécary.

Yohann Roszéwitch, de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, indique que les moyens juridiques vont être étudiés. Elle peut faire un signalement au CSA, mais aussi au procureur de la République, lequel peut engager des poursuites. Contactée par Libé, la chaîne C8 a indiqué que l’animateur serait au téléphone dans l’émission de vendredi avec Joël Deumier, et qu’il devrait également faire intervenir une victime du canular.