Pour Bruno et Vincent, des droits… et des devoirs!

Vincent et Bruno s’appellent désormais Boileau-Autin. Pour la première fois, deux hommes se sont mariés en France. Que cela change-t-il pour ces couples.

C’était un oui un peu tremblant mais on n’a entendu que lui, hier, dans l’immense salle des rencontres de l’hôtel de ville de Montpellier (Hérault). L’un en noeud papillon, l’autre en cravate, élégants, fébriles et un peu dépassés par la cohue, Bruno Autin, 40 ans, et Vincent Boileau, 30 ans, sont entrés dans l’histoire ce 29 mai 2013 à 17 h 45. « C’est un grand honneur pour moi, a fièrement articulé Hélène Mandroux, la maire PS de Montpellier, de vous dire que vous êtes unis par les liens du mariage, au nom de la loi. »

Et si l’édile n’avait pas fait un long préambule aux accents engagés sur l’égalité des droits, si la porte-parole du gouvernement n’était pas dans la salle et si des centaines de journalistes et de badauds n’attendaient pas dehors, on se serait cru… à n’importe quel mariage. Des enfants qui se trémoussent, des parents qui se repassent les mouchoirs jetables, les chapeaux des grands jours, les fleurs à la boutonnière… et la même énumération solennelle de droits et de devoirs.

Car c’est ce que ces jeunes mariés ont voulu, et avec eux toutes les associations qui militent depuis toujours pour le « mariage pour tous » : avoir exactement les mêmes droits et devoirs que les époux hétérosexuels. Toute la différence avec le pacs. Car depuis hier, Vincent et Bruno Boileau-Autin, ainsi qu’ils ont choisi de se nommer, se doivent fidélité, secours et assistance. Si l’un contracte des dettes, l’autre en sera responsable ; si l’un décède avant l’autre, il sera non seulement considéré comme son héritier naturel, mais pourra aussi prétendre à une pension de réversion. Et même si Bruno a assuré hier à Vincent que « sa seule peur était que leurs vies ne soient pas assez longues pour consommer ce mariage », la dissolution de cette union ne pourra se faire qu’à travers un divorce par consentement mutuel, ou pour rupture de vie commune. Le juge pourrait alors décider d’obliger l’un à verser une prestation compensatoire à l’autre, ce qui est rarement un devoir apprécié.

Pour le meilleur et pour le pire, donc. D’ailleurs, les jeunes mariés qui souhaitent devenir parents devront aussi passer par les mêmes procédures pénibles et incertaines que les 27000 candidats à l’adoption qui attendent un enfant venu du bout du monde. Enquête sociale, obtention de l’agrément…

« Les mêmes droits, les mêmes devoirs, les mêmes bonheurs et les mêmes galères, en un peu plus compliqué encore », prédit Me Caroline Mécary, devenue l’avocate de la cause après avoir défendu les mariés de Bègles (Gironde) dont l’union célébrée par Noël Mamère avait été annulée par la justice. Des mariés de Bègles bien discrets, dont quasiment personne n’a de nouvelles à part elle. « Je ne sais pas s’ils vont se marier, avoue-t-elle. Mais ils doivent être émus aujourd’hui. »

Pour l’heure, deux autres fiancées impatientes, Carole et Anne, vont se présenter « en la maison commune » samedi, toujours à Montpellier. Et puisque ces femmes élèvent déjà ensemble un enfant, ce sera sans doute le premier couple homo marié à inaugurer le droit d’adopter l’enfant – biologique ou adopté – de son conjoint. « La procédure sera assez longue, entre six et neuf mois, explique Me Mécary. Mais, surtout, ce ne sera pas un droit automatique. Le tribunal de grande instance peut considérer que ce n’est pas dans l’intérêt de l’enfant et rejeter la requête. Donc il vaudra mieux se faire assister! »

L Les forces de l’ordre ont levé hier, vers 20 h 30, le dispositif de protection de l’hôtel de ville. Elles ont fait évacuer le bâtiment après que les gendarmes ont reçu un appel annonçant l’explosion imminente d’une bombe, la seconde alerte de ce type de la journée. Huit membres du Bloc identitaire ont été empêchés de pénétrer dans la mairie pendant la cérémonie. Deux activistes d’extrême droite ont été placés en garde à vue. Un homme, qui menaçait l’un des deux futurs mariés qui se rendaient à l’hôtel de ville, a été appréhendé.