Les Mennesson, parents légaux de leurs filles

Eugénie Barbezat

À l’issue de quinze années de bataille, la double filiation des jumelles nées par GPA en Californie en 2000 a été validée vendredi par la Cour de cassation.

«Nos enfants ne sont plus des fantômes », s’est félicité vendredi le père de Fiorella et Valentina Mennesson, jumelles de 19 ans conçues grâce à une mère porteuse en Californie, où la GPA est légale. Sur leurs actes de naissance figure désormais de manière irrévocable le nom des deux membres du couple qui les a élevées. Une « immense victoire » saluée par Patrice Spinosi, l’avocat de la famille. Cette décision plaide-t-elle pour autant en faveur de la transcription automatique en droit français des actes de naissance sur lesquels apparaissent comme père et mère le parent biologique et celui qui a désiré l’enfant, même s’il n’en a pas accouché ? Rien n’est moins sûr. Très circonstancié, l’arrêt rendu vendredi par la plus haute juridiction française met l’accent sur la spécificité de l’affaire Mennesson, insistant sur le « cas particulier » de cette famille au sein de laquelle « le lien, qui est depuis longtemps largement concrétisé, ne doit pas être annulé », pour justifier sa décision. En pareil cas, le parent d’intention peut généralement adopter l’enfant né de père français à l’étranger. Mais le nom des deux personnes qui vont élever l’enfant conjointement ne figure pas d’emblée sur les actes civils français. Un manque de reconnaissance légale qui a valu à la France d’être plusieurs fois épinglée par la Cour européenne des droits de l’homme (Cedh), qui précise que chacun doit pouvoir « établir les détails de son identité d’être humain, ce qui inclut sa filiation »

La Cour de cassation pose des limites, contestées par les familles

Pour Caroline Mécary, avocate qui s’apprête à défendre, le 14 octobre, à la cour d’appel de Rennes, trois familles qui demandent la même chose que les Mennesson, « la limite posée par la Cour de cassation doit sauter, c’est dans l’intérêt supérieur des enfants ». C’est d’ailleurs au nom de ce principe qu’a été voté, jeudi soir, à 23 heures, par les députés, un amendement visant à faciliter la procédure dite « d’exequatur », c’est-à-dire la reconnaissance des actes de naissance établis à l’étranger pour des enfants nés par GPA de parents français. Une décision parlementaire contraire à la volonté du gouvernement, qui a demandé une seconde délibération. « Au regard de ce qui vient de se passer, la circulaire promise par le gouvernement devrait continuer à privilégier l’adoption par le parent « social » pour établir la filiation des enfants nés par GPA, même si cette méthode n’est ni la plus efficace ni la plus rapide, analyse Caroline Mécary. Dans ce dossier sensible, personne n’a le courage de changer la loi, et chacun se refile la patate chaude. »