Les mariages homos aux portes des mairies

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Création d’un collectif de juristes pour aider les couples désireux de s’unir.

Les mariages homos aux portes des mairies

ROTMAN Charlotte

Ce n’est pas encore comme à San Francisco. Mais hier des personnalités ont lancé un «avis aux candidats». Et ont réclamé le droit pour des couples de même sexe de se marier. Réunies autour de Didier Eribon (philosophe) et Daniel Borrillo (juriste), elles étaient accueillies en mairie ­ pas encore dans la salle des mariages ­ par le maire vert du IIe arrondissement de Paris.

Depuis l’émotion soulevée par l’agression de Sébastien Nouchet, «brûlé vif parce que homosexuel», la revendication du mariage homosexuel a été déterrée à l’endroit même où le débat sur le Pacs l’avait enfouie. Et elle veut s’inscrire dans le combat contre l’homophobie. «On ne peut se limiter à une loi pénalisant les propos homophobes», estime Didier Eribon. Un collectif de juristes s’est donc constitué pour aider les couples homos désireux de s’unir. «Tout cela paraissait impossible, impensable» il y a peu, songeait à voix haute Christophe Girard, adjoint au maire de Paris, chargé de la culture.

Le manifeste rédigé par Eribon et Borrillo réclame que «les couples de même sexe bénéficient, s’ils le désirent, des mêmes droits que les couples hétérosexuels». Selon les auteurs, 1 500 personnes ­ dont Jane Birkin, le philosophe Jacques Derrida, les artistes Pierre et Gilles ou le sociologue Alain Touraine ­ ont signé la pétition, qui continue à circuler.

Le manifeste rebondit sur la mobilisation et l’indignation suscitées par l’agression de Sébastien Nouchet et les déclarations de politiques concernant la lutte contre l’homophobie qui ont suivi. Ils s’appuient également sur «la décision spectaculaire» de célébrer des unions gays à San Francisco. Mais Didier Eribon a tenu à le dire : l’accès au mariage n’est «qu’un élément parmi d’autres», comme la reconnaissance de l’homoparentalité, le droit à l’adoption, la PMA (1) destinée aux femmes seules, quelle que soit leur sexualité. Pour lui, il s’agit de «créer de nouveaux droits pour tous». Habile manière de désamorcer les critiques dénonçant une logique de ghetto. Pour enfoncer le clou, Borrillo a parlé hier d’«une stratégie politique de type universaliste».

L’argument juridique mis en avant est simple : «C’est possible.» Nul besoin de changer la loi pour permettre des unions homosexuelles en mairie. Démonstration par l’avocate Caroline Mécary : le fondement du mariage est le libre choix du partenaire ; ce n’est pas la procréation (sinon, on aboutirait à l’annulation du mariage pour stérilité) ; ce n’est pas non plus la différence des sexes. Dans le code civil (article 144), le mariage n’est pas défini comme l’union entre un homme et une femme, explique la juriste. En fait, la loi offre la garantie à un homme et une femme (selon des limites d’âge) de s’unir. «Or ce qui n’est pas interdit est permis…» Borrillo : «L’absence de définition est la porte ouverte à la reconnaissance des mariages de personnes de même sexe.»

A partir de là, ne manquent que les candidats au mariage, et les édiles pour les accueillir. Hier, Noël Mamère, maire de Bègles, a fait savoir qu’il serait prêt à célébrer de telles unions. Tout comme Jacques Boutault, maire du IIe arrondissement. Les Verts Christophe Girard et Khédidja Bourcart, ainsi que Clémentine Autain (apparentée PC), tous trois adjoints de Bertrand Delanoë, ont fait, hier, à la tribune, la même promesse.

Cet activisme sincère suffira-t-il ? Alain Piriou, de l’interassociative LGBT (Lesbienne gaie bi et trans) l’a rappelé : les promesses, pourtant plus consensuelles, du gouvernement de lutter contre l’homophobie ne se sont toujours pas concrétisées. A quand, dès lors, le jour où Christophe Girard pourra dire à ses amis hétérosexuels, comme il en rêve, qu’«il a dorénavant le droit de ne pas [se] marier» ?

(1) Procréation médicalement assistée.