La parole est à la défense
Dominique Manenc et Hélène Rouquette-Valeins
MARIAGE GAY. Les avocats de Stéphane et Bertrand, les mariés de Bègles, ont défendu la légalité de leur union devant le tribunal de grande instance de Bordeaux
Stéphane et Bertrand n’étaient pas là. Mais la première chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux était pleine : avocats, journalistes et quelques représentants des associations gays et lesbiennes. Le tribunal, présidé par Mme Dominique Receveur, assistée d’Isabelle Delaquys et Catherine Marion, examinait la demande d’annulation du mariage de MM. Chapin et Charpentier célébré le 5 juin dernier à Bègles par Noël Mamère.
Annulation demandée par le procureur de la République représenté ici par Marie-Thérèse de Lalandelle. Elle a évoqué des fraudes à la loi concernant la domiciliation béglaise des « époux », et l’absence de publication des bans à Saint-Aubin-du-Médoc où ils habitent, sans vouloir les retenir comme cause de nullité. En revanche, elle a rappelé que, pour se marier, « la différence de sexe restait essentielle ». Evoquant en particulier un arrêt de la Cour de cassation de 1903 qui fait de cet élément « une condition explicite au mariage ».
C’est d’ailleurs sur cet argument qu’a porté l’essentiel des plaidoieries des trois avocats parisiens. Me Emmanuel Pierrat, très critique vis-à-vis de la « méticulosité » du Garde des sceaux, et d’une « opposition rédigée à la truelle », s’appuie sur l’article 75 du Code civil qui emploie les termes de mari et de femme mais ne définit pas le mariage comme une union entre un homme et une femme.
Hors de l’Hexagone. Me Yann Pedler à son tour s’est tourné vers la Constitution de 1958 qui assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi, mais aussi vers la Convention européenne des droits de l’homme. Il fait appel à trois articles essentiels : la liberté fondamentale du mariage (12), le droit au respect de la vie privée et familiale (8), l’interdiction de toute discrimation notamment sur le sexe (14). « Le pacs et l’union libre, seuls régimes accessibles aux personnes du même sexe, sont, d’après lui, moins protecteurs que le mariage ». De plus, a-t-il insisté, « la procréation n’est pas une condition de validité du mariage ».
C’est Me Caroline Mecary qui a conclu les différentes interventions en allant voir ce qui se passait hors des frontières de l’Hexagone. Aux Pays-Bas ou en Belgique où le mariage civil est ouvert aux homosexuels, en Suède ou en Espagne qui s’apprêtent à en faire autant. D’où sa demande au tribunal de « s’inscrire dans une interprétation plus généreuse de la loi ». Et surtout de ne pas s’en tenir aux positions prises il y a un siècle : « Sinon, a-t-elle observé, où seraient les concubines, le droit de vote des femmes et la loi sur l’interruption volontaire de grossesse ? »
Le 27 juillet. « Chapin et Charpentier sont des citoyens tout ce qu’il y a d’ordinaire qui ont voulu avoir accès au mariage civil. Le droit c’est certes des textes, mais il se fait tous les jours dans toutes les juridictions de France, là où il s’applique à des citoyens qui veulent qu’on les traite comme les autres. »
Résultat du délibéré le 27 juillet. A partir de là, si le mariage est annulé, les avocats poursuivront en appel, en cassation. « Au pire, devant la Cour européenne des droits de l’homme pour reconnaître le bien-fondé de notre démarche », a averti Me Pierrat.