La loi hors-la-loi.
Par CHRISTIAN BOURGUET, ANNE BREMAUD, VERONIQUE COSTAMAGNA, JEAN-JACQUES DE FELICE, SIMON FOREMAN, ELISABETH HAMOT, SOPHIE JAEGLE-CEOARA, CAROLINE MECARY , FRANCOISE MENDEL-RICHE, GILLES PIQUOIS, DANIEL.
25 février 1997, 343 mots, Français,
Le porte-parole du gouvernement s’est offusqué des appels à la désobéissance civique qui agitent la société: il en appelle à l’Etat de droit. A son appui, le garde des sceaux invoque à son tour le respect que chacun, en toute circonstance, devrait toujours à la loi. Le rôle de « ministre des droits de l’homme » qu’il revendique dans les colloques et les congrès aurait pourtant dû le conduire à une réflexion plus approfondie. La loi n’est pas l’horizon indépassable de la légalité: il est des lois auxquelles, parce qu’elles sont contraires à la Constitution, aux traités internationaux, aux droits de l’homme, désobéir est un droit, parfois un devoir.
Les « représentants du peuple français », le 26 août 1789, n’ont pas dit autre chose en adoptant une déclaration des droits de l’homme « afin que les actes du pouvoir législatif [puissent] à chaque instant être comparés avec le but de toute institution politique ». Avec ses techniques d’analyse et le vocabulaire de notre siècle, le Conseil d’Etat reprenait cette idée, dans son avis sur le projet Debré, en relevant que le fichage des hébergeants porte atteinte à la liberté individuelle et à la vie privée, principes supérieurs protégés à la fois par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme. L’Etat de droit auquel se réfèrent nos ministres exige précisément que les juges fassent toujours prévaloir les principes supérieurs, même sur la loi votée par le Parlement. S’en prendre aux cinéastes, écrivains, acteurs, musiciens, universitaires, metteurs en scène… qui rappellent que le « délit d’aide » n’est qu’un « délit de fraternité », c’est oublier, comme l’a dit Stanley Milgram, que dans l’histoire de l’humanité « l’obéissance a inspiré plus de crimes horribles que la rébellion ».