La justice incite le gouvernement à aller plus loin sur la PMA

Alexandre Fache
La Cour de cassation a estimé, hier, que le recours à une PMA à l’étranger ne pouvait « faire obstacle » à l’adoption au sein d’un couple de femmes. La fin d’une « insécurité juridique » pour ces familles, mais aussi une invitation à légaliser cette pratique en France.

Pendant que la droite s’interroge sur l’adoption éventuelle d’un ex-président comme futur candidat, et que les soutiens de ce dernier s’opposent sur la nécessité d’abroger la loi sur le mariage pour tous (lire encadré), le droit, lui, continue d’avancer. Hier matin, dans deux avis brefs et sans ambiguïté, la Cour de cassation a jugé que le fait d’avoir bénéficié d’une PMA à l’étranger n’était pas « un obstacle » à l’adoption au sein d’un couple de femmes. « Le recours » à une procréation médicalement assistée à l’étranger, sous la forme d’une « insémination artificielle avec donneur anonyme, ne fait pas obstacle à ce que l’épouse de la mère puisse adopter l’enfant ainsi conçu », écrit la plus haute juridiction française. « Ces avis mettront fin à plusieurs mois d’insécurité juridique pour les familles homoparentales », s’est félicitée la garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui voit ainsi sa loi sur le mariage pour tous consolidée.

Objet d’une longue bataille parlementaire et médiatique, son texte avait ouvert le droit à l’adoption aux couples de même sexe, mais sans modifier le statut de la PMA, toujours réservée en France aux seuls couples hétérosexuels. Deux tribunaux principalement (Versailles et Aix) avaient alors pu s’engouffrer dans cette supposée brèche juridique pour refuser des demandes d’adoption, le recours à une PMA à l’étranger constituant selon eux une « fraude ». Un argument clairement écarté par la Cour de cassation : « En France, certes sous conditions, cette pratique médicale est autorisée ; dès lors, le fait que des femmes y aient recours à l’étranger ne heurte aucun principe essentiel du droit français. »

Une décision qui souligne les manques de la loi française

Même s’ils ne sont pas contraignants, ces « avis » de la Cour de cassation vont favoriser, assure Christiane Taubira, « une harmonisation de la jurisprudence », déjà largement favorable aux demandes des familles (neuf refus constatés seulement sur 290 dossiers, pointe une étude de la chancellerie). Une conviction partagée par l’avocate Caroline Mécary, défenseure d’un des deux couples homoparentaux dont le dossier est remonté jusqu’à la Cour de cassation. « Certes, un avis de la Cour ne s’impose pas automatiquement aux tribunaux. Mais dans les faits, ce sera très probablement le cas. Car les juges n’aiment pas trop qu’on casse leurs décisions au final. » « Agréablement surprise » par cette décision, l’avocate relève toutefois combien celle-ci « souligne en creux les manques actuels de la loi française ». « La PMA est validée, mais seulement à l’étranger, c’est-à-dire seulement pour celles qui ont les moyens de mener à bien ces procédures hors de nos frontières. À l’évidence, cela ne suffit pas. Et appellerait une décision politique courageuse du président de la République. Mais ça, je n’y crois pas du tout. »

Saluant la « prise de position » de la Cour de cassation, Marie-Claude Picardat et Dominique Boren, coprésidents de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), réclament eux aussi « un pas supplémentaire vers l’égalité ». En l’occurrence, « la légalisation de la PMA pour les femmes homosexuelles en couple ou pour les célibataires », la « reconnaissance des filiations homoparentales en mairie », ou encore de la « présomption de parenté », « seules mesures efficaces pour protéger les familles homoparentales et les enfants qui y grandissent ». Fustigeant « l’hypocrisie d’un système où l’on incite les femmes à partir à l’étranger pour avoir recours à une PMA, puis à faire des démarches d’adoption en France » pour la conjointe, Christian Gaudray, président de l’Union des familles laïques, appelle à un « débat pour une réforme égalitaire de la filiation ». L’association organise dans ce but, avec les Enfants d’arc-en-ciel, un colloque le 11 octobre prochain à Paris (www.ufal.org). « Aujourd’hui, fustige Christian Gaudray, une minorité réactionnaire agissante fait que notre droit n’évolue pas, ou peu. C’est regrettable. »

De fait, sans attendre la décision de la Cour de cassation, les militants de la Manif pour tous ont d’ores et déjà prévu de battre le pavé, à Paris et Bordeaux, le 5 octobre, contre « la PMA, la GPA (gestation pour autrui – NDLR) et le genre ». Présidente du mouvement, Ludovine de La Rochère a jugé hier « hallucinant » l’avis de la Cour de cassation. « Nous défendrons jusqu’au bout l’écosystème de base – un homme, une femme – qui nous a engendrés », prévenait il y a quelques jours Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita et porte-parole de la Manif pour tous.