La France de nouveau condamnée pour atteinte « à la vie privée » d’enfants nés par GPA

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Hier, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France au motif qu’elle n’a pas reconnu la filiation biologique vis-à-vis de leur père d’enfants nés d’une mère porteuse en Inde.

De quelles affaires s’agit-il?

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est prononcée hier dans deux affaires dans lesquelles les autorités françaises, suspectant le recours à une gestation pour autrui à l’étranger, avaient refusé de transcrire les états civils des enfants – la GPA étant prohibée en France. La première concerne Didier Foulon et sa fille née à Bombay d’une mère indienne en 2009; la seconde Philippe Bouvet, père de jumeaux, eux aussi nés à Bombay d’une mère indienne, en 2010. Face au refus de transcription des états civils établis en Inde, ces deux Français, après avoir épuisé les voies de recours en France, s’en étaient remis aux juges de Strasbourg. Dans un arrêt publié hier, la CEDH a condamné la France pour violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a considéré qu’en ne reconnaissant pas leur filiation, l’État français portait atteinte « au respect de (la) vie privée » de ces enfants.

Quelle est la portée de ces arrêts?

Pour l’avocate des plaignants, Me Caroline Mécary, il s’agit d’un « véritable coup de semonce » des juges européens à la France. Car ce n’est pas la première fois que le pays est ainsi condamné. La CEDH, saisie par les couples Mennesson et Labassée, avait déjà épinglé la France pour les mêmes motifs il y a deux ans ( La Croix du 27 juin 2014). Des arrêts ayant eu, à l’époque, une grande portée en droit puisqu’ils avaient conduit à un revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation: depuis juillet 2015, les sages considèrent en effet que « la GPA ne justifie pas à elle seule le refus de transcrire à l’état civil français l’acte de naissance étranger d’un enfant ayant un parent français » . Cela vaut pour les états civils correspondant à la réalité des faits: autrement dit, lorsque le père français et la mère porteuse – et non le parent d’intention – figurent sur l’acte étranger.

Pourquoi, alors, ces nouveaux arrêts?

« Les plaignants avaient déposé leurs requêtes avant les arrêts Mennesson et Labassée et donc avant le revirement de la Cour de cassation » , relève Nicolas Hervieu, juriste au Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux. On aurait toutefois pu imaginer qu’à la lumière de la nouvelle jurisprudence la Cour européenne considère l’examen des cas Foulon et Bouvet redondant. « En faisant le choix de juger tout de même ces affaires et en concluant à une nouvelle condamnation, la CEDH tance la France qui traîne les pieds dans l’application de ses décisions » , analyse pour sa part Me Mécary. De fait, les époux Mennesson eux-mêmesn’ont toujours pas obtenu la transcription des états civils de leurs jumelles. « Pour un pays qui se considère comme celui des droits de l’homme, ne pas appliquer les arrêts de la CEDH finira par être intenable » , estime l’avocate.

Nicolas Hervieu, lui, rappelle que le sujet reste « très sensible » en France, après les fortes tensions ayant accompagné le vote du mariage pour tous. En octobre 2014, Manuel Valls, le premier ministre, excluait d’ailleurs « totalement d’autoriser la transcription automatique des actes étrangers » , car, insistait-il, « cela équivaudrait à accepter et normaliser » une pratique que la France condamne fermement. La situation reste donc complexe pour les couples concernés avant juillet 2015 et la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation.