GPA, le Conseil d’Etat condamne le gouvernement
Le ministère des affaires étrangères avait refusé de délivrer un laissez-passer à un enfant né en Arménie, suspectant la mère d’avoir eu recours à la gestation pour autrui, interdite en France.
Le mois dernier, Mme A. s’apprête à quitter l’Arménie avec son fils, qui y est né le 24 juin, pour rejoindre la France. Mais l’ambassade de France s’oppose à la délivrance d’un laissez-passer. Elle estime que l’enfant est né après un recours à la gestation pour autrui (GPA). Or, celle-ci est prohibée en France.
Une intervention qui a valu hier au ministère des affaires étrangères d’être désavoué par le Conseil d’État, qui lui a ordonné de délivrer un titre de voyage sous sept jours et l’a condamné à verser 3 000 € à la mère.
« Il a été soutenu que ma cliente, la mère de l’enfant, n’était pas la mère de l’enfant alors qu’on a un acte de naissance étranger sur laquelle elle est bien mentionnée. Il lui a été opposé qu’il n’existait pas de preuve de son accouchement. Or en droit, ce qui fait la filiation ce n’est pas l’acte d’accouchement, c’est l’acte de naissance, fût-il étranger », explique Me Caroline Mécary, avocate de Mme A. « Je considère que dans ces affaires-là, le ministère des affaires étrangères est sur une position dogmatique. Il était prêt à ce que l’enfant soit laissé à l’étranger sans sa mère et confié à un orphelinat » , poursuit-elle.
Par son jugement, la haute juridiction a confirmé la décision du tribunal administratif de Paris. Saisi par la procédure d’urgence dite du référé-liberté, celui-ci avait condamné le 26 juillet le ministère à délivrer un laissez-passer dans un délai de sept jours pour l’enfant et à payer la somme de 1 000 € pour rembourser les frais d’avocat.
Le Quai d’Orsay « doit être regardé comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de l’enfant au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et à la liberté fondamentale d’aller et venir, et méconnu l’intérêt supérieur de l’enfant tel que protégé par l’article 3-1 de la convention relative aux droits de l’enfant » , avait écrit la juridiction pour justifier sa décision.
« C’est la première fois que le Conseil d’État statue sur une demande de laissez-passer faite par une mère célibataire » , assure Me Mécary. En 2011, il s’était déjà prononcé sur la demande d’un couple,considérant que le mode de conception de l’enfant ne pouvait pas lui être opposé sans porter « une atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt supérieur de l’enfant » .
Le 21 juillet dernier déjà, la France avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Les états civils d’enfants nés d’une mère porteuse en Inde n’avaient pas été transcrits, les autorités suspectant des naissances par GPA.
La CEDH avait considéré qu’en ne reconnaissant par leur filiation, l’État avait porté atteinte « au respect de (la) vie privée » de ces enfants.