Homophobie ou calomnie ?

Benjamin Ferret

TRIBUNAL DE DAX Le maire de Cauneille était jugé hier pour injures publiques envers un couple d’homosexuels

Massés sur les bancs du fond de la salle d’audience du tribunal de Dax, les amis d’Éric Garcia font bloc. Ils sont venus soutenir celui qui a demandé à ce que le maire de Cauneille, Jean-Louis Casteraa, soit jugé ce lundi après-midi. Malgré une plainte classée sans suite par le parquet, l’homme avait cité directement l’élu. « Détruit » depuis la mort de Francis Dulaurent, son compagnon, au mois de juillet dernier, il n’accepte pas que les derniers mots que Francis ait entendus – avant de décéder des suites d’un malaise cardiaque – soient des injures proférées par le maire. « Voyou » et « menteur », comme le rappelle Jérôme Carbonnel, le président du tribunal, en début d’audience (lire notre édition précédente).

Entièrement vêtu de noir, Jean-Louis Casteraa se passe à plusieurs reprises la main sur le visage, comme pour mieux comprendre ce dont l’accable Me Caroline Mecary au cours de sa plaidoirie. L’avocate, inscrite au barreau de Paris, dresse un sombre portrait du maire, et de son prétendu comportement, pourtant convoqué pour injures publiques : « Il s’agit d’une homophobie ordinaire, sournoise, sarcastique… Et sans témoin, comme tout bon harceleur sait le faire ».

Homosexuel, Éric Garcia ne cache rien de sa vie. Pas plus qu’il n’en fait état. Bien plus que les mots qui ont pu être échangés au cours de cette dispute du mois de juillet, c’est quinze ans de la vie de cet homme qu’évoque son conseil. « Il me fallait rappeler le contexte des années précédentes pour montrer comment on en est arrivé à des injures publiques. Ce sont tout un tas de petites phrases qui, répétées, anéantissent celui qui est injurié », se justifie-t-elle au sortir du palais de justice.

25 témoins du harcèlement

Forte de 25 attestations témoignant du harcèlement dont aurait été victime Éric Garcia depuis son arrivée à Cauneille, quand il avait acheté une ferme à rénover et un terrain de 20 hectares, Me Caroline Mecary stigmatise le comportement du maire. Elle rappelle ainsi les différentes phrases relevées par son client : « Un drôle de coq. Ce n’est pas un métier pour toi… »

Fidèle à ce qu’attendait Me Frédéric Lonné, représentant Jean-Louis Casteraa. « L’accusation nous parle d’homophobie mais en 16 ans, pas un propos n’a été jugé homophobe. » Pour l’avocat dacquois, le procès-verbal dressé par la gendarmerie de Peyrehorade suite à la dispute, en est un exemple… « À moins que les gendarmes ne fassent eux aussi partie de la bande des harceleurs. »

Furieux contre les propos diffamatoires à l’encontre de son client visibles sur Internet, il demande au tribunal à ce que des dommages et intérêts soient versés à son client, qu’il estime calomnié dans cette histoire : « Qui est traîné dans la boue ? Qui est accusé de violences verbales et présenté comme un homophone ? C’est Jean-Louis Casteraa. C’est d’ailleurs un harcèlement qui n’est pas terminé puisqu’une plainte pour homicide volontaire court encore au niveau du parquet. »

Homophobie pour l’accusation, calomnie pour la défense, c’est pourtant sur le fond que devra se pencher le tribunal, qui rendra son délibéré le 30 avril prochain. Des faits simples mais entourés de ce sinistre contexte. Une dispute autour de l’évacuation des eaux du lotissement que construit Éric Garcia et au cours de laquelle le maire avait évoqué « les méthodes de voyou » qu’aurait employées ce dernier… Et durant laquelle Jean-Louis Casteraa s’était lui aussi fait insulter, selon les différents témoignages rapportés par les personnes présentes au moment du drame.