GPA : les mensonges de la France

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En juin 2014, par deux fois, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour avoir refusé de reconnaître l’identité d’enfants nés par gestation pour autrui (GPA). Presqu’un an après, les enfants français, nés par GPA à l’étranger, n’ont toujours pas d’état civil reconnu. Les conséquences sont multiples et dégradent sensiblement la protection de ces enfants, «fantômes de la République».

La transcription d’un état civil, c’est la reconnaissance de la filiation légalement établie à l’étranger dans notre droit. Elle permet de justifier l’autorité parentale et l’ascendance familiale dans toutes les démarches administratives, sociales, juridiques et patrimoniales. La CEDH a considéré que ce refus de transcription constituait une violation du droit à la vie privée et familiale des enfants. Devenues définitives le 26 septembre 2014, ces décisions de la Cour sont applicables à toutes les autorités administratives et judiciaires françaises, du moins en théorie.

La France méconnaît délibérément ces décisions puisqu’aucun enfant suspecté d’être né par GPA n’a obtenu de transcription, y compris ceux des familles Mennesson et Labassée pourtant à l’origine desdites décisions. Rendre un enfant coupable à sa naissance est cruel et étranger à toute notion de droit. Principe fondamental d’une démocratie, la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire capitule face à la conviction d’un Premier ministre à rebours de l’opinion des Français en la matière. Faire primer un sentiment personnel sur le droit, c’est rompre les liens sacrés de la République.

Placée dorénavant sous le régime tutélaire de la procédure soutenue par le service de l’exécution des arrêts de la CEDH, la France fera face, en juin, au Comité des ministres européens. Elle devra lui rendre compte des mesures prises depuis sa double condamnation. Bref, la France se moque ouvertement de la Cour européenne puisque, dans la pratique quotidienne et sur tous les fronts, elle use de tous les artifices possibles pour nuire à ces enfants et ne pas procéder aux transcriptions demandées. A l’heure actuelle, le Quai d’Orsay donne des instructions aux consulats qui sont contraires aux arrêts de la CEDH et du Conseil d’Etat. Sur simple suspicion, nos agents consulaires renvoient systématiquement les demandes de transcriptions d’état civil d’enfants soupçonnés d’être nés par GPA au procureur de Nantes, chargé du service central de l’état civil des Français nés à l’étranger. Des enquêtes de police ubuesques, où, ni les policiers ni les parents ne comprennent pourquoi ils se font face, sont diligentées ! Le procureur adjoint de Nantes refuse arbitrairement les transcriptions en prétextant attendre des instructions de la chancellerie. Toujours est-il que la France a indiqué que ces arrêts de juin 2014 avaient bénéficié d’une large diffusion auprès de ses services et des juridictions concernées. Alors, qui ment ?

Quant à elles, les préfectures se sont passé le mot et usent de tous les artifices pour refuser de délivrer les pièces d’identité à ces enfants : demande d’informations complémentaires dilatoires, procédures qui n’ont pas lieu d’être, silence. Conséquences : les parents doivent, là aussi, saisir le juge administratif qui ne manque pas d’enjoindre au préfet de délivrer le passeport ou la carte d’identité demandée et de le condamner à rembourser les frais d’avocat (1). En décembre 2014, le Conseil d’Etat a validé la circulaire Taubira, qui permet la délivrance d’un certificat de nationalité française (CNF), y compris pour les enfants nés par GPA. Mais qu’y a-t-il donc écrit sur un CNF ? La filiation est établie noir sur blanc entre les parents et les enfants afin d’octroyer, à ces derniers, la nationalité française. Paradoxe : voici d’une part un CNF, document officiel estampillé ministère de la Justice qui atteste l’établissement d’une filiation, et, d’autre part, un procureur adjoint et des consulats qui considèrent que la filiation n’est pas établie. Qui dit mieux ?

A l’évidence, la transcription de l’état civil de ces enfants doit être faite. Il est temps de mettre fin à toutes ces contorsions ridicules financées par nos impôts. Ces mesures illégales sont humiliantes pour les enfants concernés et leurs familles.

Restera la colère et d’autres espoirs : saisie dans deux dossiers, la Cour de cassation devrait valider, cet été, la nécessité de transcrire l’état civil des enfants de ces familles. La Cour européenne des droits de l’homme pourra également infliger une triple condamnation de la France dans trois nouveaux dossiers dont la situation juridique est comparable à celle des familles Mennesson et Labassée. Ainsi se profile une avalanche de condamnations pour la France. Les politiques ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas été prévenus et informés.

(1) Tribunal administratif, Paris, 31 décembre 2014, req : 1429130/9-1.