GPA : la France à nouveau condamnée par la CEDH

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La Cour européenne était saisie par deux pères qui demandent la reconnaissance à l’état civil de leurs enfants nés de mères porteuses à l’étranger.

Leclair, Agnès

FAMILLE Alors que le gouvernement garde depuis des mois le silence sur la délicate question de la reconnaissance à l’état civil des enfants nés de mère porteuse à l’étranger, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) remet le débat sur le tapis.

Jeudi, les juges de Strasbourg ont une nouvelle fois condamné la France pour avoir refusé la transcription d’actes de naissance étrangers sur les registres d’état civil pour des enfants nés de mère porteuse à l’étranger. La CEDH était saisie des dossiers Foulon et Bouvet, du nom de deux pères qui n’ont pas obtenu cette retranscription devant les juridictions françaises. Le premier est le père d’une petite fille née en 2009 à Bombay d’une mère porteuse indienne. Le second a eu des jumeaux, venus au monde en 2010 en Inde dans les mêmes circonstances.

Dans son arrêt, commun aux deux requêtes, la Cour a conclu à l’unanimité qu’il y avait eu violation du droit à la vie privée des enfants, protégé par la Convention européenne des droits de l’homme. L’État français devra verser 45 000 euros aux requérants et aux trois enfants pour préjudice moral et au titre des frais de procédure. Une décision prévisible, car la CEDH n’avait pas dit autre chose en 2014, dans ses arrêts sur les affaires Mennesson et Labassée pour des enfants nés de mères porteuses aux États-Unis. La CEDH avait alors aussi estimé que la France pouvait continuer de prohiber la gestation pour autrui sur son sol.

Mais pourquoi la Cour européenne se prononce-t-elle à nouveau ? « Parce qu’elle sait que la France n’applique pas la jurisprudence des affaires Mennesson et Labassée » , estime Me Caroline Mécary, conseil des deux pères. « C’est un coup de semonce adressé à la France » , a-t-elle également déclaré sur les réseaux sociaux. L’avocate indique avoir connaissance de plusieurs dizaines de refus de transcription du parquet de Nantes ou de refus de délivrance de passeport en préfecture pour des enfants nés à l’étranger de mères porteuses.

« Le droit n’est pas complètement clair en France sur la reconnaissance de la filiation dans les cas de GPA. Les juridictions statuent au cas par cas, ce qui n’est pas très surprenant, en l’absence de prise de position politique claire et d’instructions du gouvernement, commente Nicolas Hervieu, juriste spécialiste de la CEDH. En creux, la Cour dit que les choses n’ont pas assez évolué en France, plus particulièrement pour les parents qui ont vu leur affaire jugée avant juillet 2015. » C’est en effet à cette date que la Cour de cassation, prenant acte de la première condamnation de la CEDH, avait bouleversé sa jurisprudence en validant l’inscription à l’état civil des enfants nés d’un père français et d’une mère porteuse à l’étranger. Une « brèche » dans la prohibition de la gestation pour autrui (GPA), selon les anti-GPA. L’Association des familles homoparentales (ADFH), pour sa part, « exhorte le gouvernement à prendre toutes les dispositions relatives à la protection de ces enfants français » .

Si des dossiers de demande de transcription sont actuellement en suspens – comme celui du couple Mennesson – c’est aussi qu’une question n’est pas tranchée : celle de la reconnaissance du parent d’intention à l’état civil . En droit français, la mère est en effet celle qui accouche. Dans le cadre d’une gestation pour autrui, la mère « commanditaire » dans un couple hétérosexuel ou le conjoint du père dans un couple homosexuel échappent aux cases.

« La CEDH retire à la France le principal moyen de lutter contre la pratique des mères porteuses , s’inquiète Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous. Après la reconnaissance du lien biologique avec le père, les tenants de la GPA vont tenter de faire reconnaître le parent d’intention. » Cette dernière demande au gouvernement de faire appel de la décision de la CEDH, ce qu’il n’avait pas fait en 2014. « Le gouvernent doit marquer son opposition à l’exploitation des femmes, à l’achat et à l’abandon d’enfants , lance-t-elle. Il ne faut pas oublier que la GPA, tout particulièrement en Inde où les femmes sont enfermées et maltraitées, est un trafic sordide. » Au-delà, la Manif pour tous compte bien poser aux candidats à l’élection présidentielle la question de la dénonciation du protocole liant la France à la CEDH.