Filiation, état civil, héritage… : ce que changera la loi

LE PROJET DE LOI présenté en conseil des ministres mercredi 7 novembre modifie une dizaine d’articles du code civil. Principale innovation, la création de l’article 143, qui dispose que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe » . Tour d’horizon de ce que va concrètement changer le texte.

Le mariage Les différences sont nombreuses entre pacs et mariage. Célébré en mairie, ce dernier engage une solidarité des dettes plus importante. Il permet de porter le nom de son conjoint et entraîne une communauté de biens de principe. Le conjoint survivant est automatiquement héritier de son époux. Le conjoint bénéficie également de la pension de réversion.

L’adoption Comme les hétérosexuels, les couples homosexuels mariés pourront adopter ensemble un enfant abandonné. Vu le faible nombre d’enfants adoptables en France et à l’étranger, ces cas devraient rester minoritaires. La possibilité d’adopter l’enfant de son conjoint devrait être davantage utilisée. « C’est la disposition la plus intéressante, observe Caroline Mécary, avocate spécialiste du droit de la famille, engagée aux côtés des familles homoparentales. Elle devrait permettre de résoudre pour partie des situations existantes. » Elle pourrait théoriquement servir dans le cadre de familles recomposées. Par exemple, si une mère divorcée se remarie avec une femme, cette dernière pourra adopter les enfants par adoption simple. L’accord des deux parents biologiques sera nécessaire, sauf si les enfants sont majeurs. « La demande est faible, nuance cependant Mme Mécary. Ces enfants ont deux parents, et l’idée d’avoir trois parents n’est pas évidente. »

C’est pour les enfants conçus par insémination artificielle avec donneur (IAD) à l’étranger que l’adoption de l’enfant du conjoint sera la plus utile. L’enfant ainsi conçu à l’étranger n’a qu’un seul parent. L’adoption par le parent « social » pourra donc être plénière. La procédure demande quelques mois. Selon la chancellerie, les enfants adoptés par des célibataires homosexuels pourront aussi être adoptés par les conjoints. Les associations de défense des homosexuels demandent confirmation de ce point, qui pourrait être contesté juridiquement.

Pas de présomption de parenté Aucun des mécanismes d’établissement de la filiation fondés sur la vraisemblance biologique (présomption de paternité dans le mariage, reconnaissance de l’enfant en mairie hors mariage) n’est étendu aux homosexuels. « Dans un couple homosexuel, il ne peut exister de présomption d’avoir fécondé » , dit-on à la chancellerie.

Et hors mariage? Comme pour les hétérosexuels, rien ne sera possible en matière d’adoption pour les couples qui ne veulent pas se marier. Les couples séparés qui s’entendent toujours bien pourront être tentés d’en passer par le mariage blanc pour faire reconnaître le lien de filiation du parent « social ». Sinon, aucun lien ne pourra être établi.

La procréation médicalement assistée Elle est réservée aux couples hétérosexuels infertiles. Son extension aux couples de lesbiennes ne figure pas dans le projet de loi, bien que François Hollande l’ait promis avant son élection. Mais des parlementaires déposeront des amendements en ce sens. L’IAD, autorisée en Espagne et en Belgique, constitue aujourd’hui le principal moyen de fonder une famille pour les couples de femmes françaises. Si la loi passe en l’état, ces femmes pourront donc aller à l’étranger, puis la mère « sociale » adoptera l’enfant de sa conjointe. L’autorisation de la grossesse pour autrui (GPA), interdite en France, n’est pas à l’ordre du jour.

Etat civil Les termes « père » et « mère » disparaissent du code civil pour être remplacés par « parent ». D’éventuels changements dans les documents d’état civil (acte de naissance, livret de famille) sont encore à l’étude, dit-on au ministère de la justice. Le projet ne prévoit pas d’inscrire à l’état civil les enfants conçus par GPA à l’étranger.

Combien de personnes concernées? Selon une enquête IFOP publiée en janvier, environ 6,5 % de la population âgée de 18 ans et plus se définit comme homosexuelle ou bisexuelle. L’Institut national d’études démographiques (INED) évalue les couples corésidents de même sexe à 1 % du nombre total des couples, soit environ 150 000. L’INED estime entre 24 000 et 40 000 le nombre d’enfants vivant dans ces familles. Ce chiffre prend en compte les enfants vivant à plein-temps avec deux personnes de même sexe (donc ni les coparentalités, ni les gardes partagées avec un parent homosexuel, ni les enfants vivant avec un parent célibataire ou en relation de couple sans cohabitation). Les associations de parents homosexuels évoquent 200 000 à 300 000 enfants élevés « dans un contexte homoparental » .