ENTRETIEN : CAROLINE MÉCARY

Caroline Mécary, avocate au barreau de Paris, spécialiste en droit de la famille, fait le point avec nous sur l’état du droit concernant les couples homosexuels, notamment au lendemain de la décision de la CEDH du 15 mars 2012 (v. l’analyse à venir de Marie-Christine Meyzeaud-Garaud).

RJPF :

Qu’apportent les dernières décisions concernant les couples homosexuels ?

C. Mécary :

Les décisions les plus récentes en matière de délégation partage de l’autorité parentale au sein d’un couple homosexuel montrent une évolution de la jurisprudence. En effet, depuis un arrêt de principe du 24 février 2006, la Cour de cassation a validé le principe d’une possible délégation partage de l’autorité parentale au sein d’un couple homosexuel.

Dans un premier temps, les juridictions ont appliqué cette jurisprudence en exigeant que le parent de naissance justifie d’une indisponibilité, le plus souvent professionnelle. Cependant, depuis 2009 et avec une très nette accentuation depuis 2011, les juridictions du fond admettent la délégation partage de l’autorité parentale dès lors que l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard d’une seule personne. Les juridictions considèrent que cette seule circonstance suffit à justifier la délégation partage de l’autorité parentale qui est évidemment de l’intérêt de l’enfant (CA Paris, 16 juin 2011 et 20 oct. 2011, AJ famille 2011, p 604 ; TGI Évry, 20 déc. 2011, inédit). Il est même possible d’obtenir une délégation partage de l’autorité parentale lorsque le couple est séparé (CA Paris, 1er déc. 2011, AJ famille 2012, p 146).

RJPF :

Quid de l’adoption ?

C. M. :

En revanche, en ce qui concerne la possibilité d’une adoption par le second parent, la jurisprudence de la Cour de cassation qui refuse le prononcé d’une adoption simple au sein d’un couple de personnes de même sexe (arrêts du 20 février 2007, puis de décembre 2007, février 2008 et mars 2011) vient d’être confortée par un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 15 mars 2012, qui considère que le fait de refuser une adoption simple au sein d’un couple de femmes n’est pas en soi discriminatoire car il en serait allé de même pour les couples de concubins ou pacsés hétérosexuels. S’il est exact que l’adoption simple n’est aujourd’hui pas possible pour tous les concubins ou pacsés, hétérosexuels et homosexuels, en revanche les concubins ou les pacsés hétérosexuels ont la possibilité de se marier et, dans ce cadre-là, d’obtenir l’adoption simple de l’enfant du conjoint, situation qui est totalement impossible pour les concubins ou pacsés homosexuels, qui ne peuvent pas se marier.

RJPF :

Leur situation n’est donc pas la même…

C. M. :

Non. Derrière l’apparence d’une règle générale applicable à tous les concubinages, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels, en réalité l’application de la règle ne concerne que les couples homosexuels (les concubins hétérosexuels se marient quand ils veulent une adoption simple de l’enfant du partenaire), de sorte qu’ils subissent une discrimination indirecte et, pour être encore plus précise, ce sont les enfants de ces couples qui subissent une discrimination, dans la mesure où ces derniers n’ont qu’un seul parent sur le plan juridique, et non pas deux comme les enfants élevés par un couple hétérosexuel.