C’est une décision importante
Caroline Mécary est avocate, spécialiste des questions d’homoparentalité. Elle fait le point sur l’évolution du droit dans ce domaine.
Comment interprétez-vous le jugement du 21 octobre dans une affaire d’homoparentalité, qui parle d’« une famille au sens sociologique du terme » et évoque « le droit de payer une pension alimentaire »?
CAROLINE MÉCARY. C’est une décision importante. Ce qui est intéressant avec ce jugement, c’est qu’il démontre un début de prise de conscience par les juges de la réalité de la famille homoparentale. Petit à petit, ils s’éloignent de la famille au sens strictement juridique du terme, pour se rapprocher d’une définition de la famille « de fait », défendue par la Cour européenne des droits de l’homme. C’est plus pragmatique.
D’autres décisions importantes ont-elles été prises récemment?
Ce jugement fait écho à une décision du tribunal d’Annecy rendue en juin 2010 dans une affaire concernant un couple de femmes qui avaient eu un enfant, dans laquelle j’ai plaidé. Dans cette affaire, le magistrat a admis l’homoparentalité en accordant la garde alternée pour l’enfant, une semaine chez sa mère biologique et l’autre semaine chez son autre mère. Il n’y a pas eu de demande de versement de pension alimentaire, car ces deux femmes avaient sensiblement les mêmes revenus. Et il n’y a pas eu d’appel, car les deux parties étaient d’accord sur le jugement.
Pensez-vous que la France se dirige vers la reconnaissance de l’homoparentalité?
Je pense que l’on va pas à pas vers la reconnaissance de l’homoparentalité. Les mentalités évoluent, un article du Code civil permet de rendre possible ces jugements. C’est important, car sinon la souffrance des parents homosexuels qui ne peuvent avoir d’enfants est énorme. Il faut aussi défendre les droits du parent qui ne l’est pas du point de vue biologique. On sent encore des réticences et une décision récente du Conseil constitutionnel sur ce sujet a montré que le combat n’était pas encore gagné. L’idéal serait d’avoir une grande loi sur l’homoparentalité qui mette les choses à plat et clarifie vraiment la situation, pour que le droit se mette en conformité avec les pratiques réelles de certains couples