Caroline Mécary : «Notre société est prête à ouvrir la PMA à toutes»

Caroline Mécary, conseillère EELV de Paris. « De nombreux couples de femmes souhaitent fonder une famille.
Ces couples de femmes ont recours à une procréation médicalement assistée (PMA) et, comme la loi française a réservé l’accès de ces techniques médicales aux seuls couples hétérosexuels souffrant d’infertilité, ils ont deux possibilités : solliciter un ami ou passer par un site Internet pour bénéficier , hors de tout encadrement médical, d’un don de gamètes.

Ils peuvent aussi se rendre dans un pays européen qui a ouvert la PMA aux couples de femmes. Dans les deux cas, l’une des femmes donnera naissance à un enfant, en deviendra légalement la mère par la « magie » de l’article 311-25 du Code civil, tandis que sa conjointe devra déposer une requête en adoption de l’enfant du conjoint, à la condition d’être mariée à la mère (Cour de cassation, 22 septembre 2014).

Depuis, à de rares exceptions près, les adoptions de l’enfant du conjoint pour les couples de femmes sont prononcées, mais il faut en passer par une procédure judiciaire d’adoption, ce qui signifie que l’enfant ne dispose pas, dès sa naissance, de deux parents qui assurent légalement sa protection. On mesure l’hypocrisie du système actuel.

En plus, il y a parfois des situations où l’adoption ne peut pas être prononcée, car le couple parental est séparé. Dans ce cas, l’adoption est impossible.Pour que l’enfant soit protégé, ses deux « mères » doivent être d’accord pour un partage de l’autorité parentale, technique juridique validée par la Cour de cassation depuis le 24 février 2006. Mais si la mère légale – ou le père légal – est en conflit avec la mère sociale (ou le père social), l’enfant devra alors attendre qu’un juge accepte de maintenir le lien entre l’enfant et ce que le droit qualifie de « tiers ».Même si les tribunaux acceptent régulièrement le maintien des liens entre un enfant et son parent social, si la mère légale alimente le conflit, alors les juges plus souvent préfèrent couper cette relation, de sorte que l’enfant et le parent social n’auront plus que leurs yeux pour pleurer. Quelle complexité ! Heureusement, cela devrait changer, car notre société est aujourd’hui prête à ouvrir la PMA à toutes les femmes.C’est ce que traduisent les prises de position d’autorités indépendantes. Ainsi le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et le Défenseur des droits ont, en 2015, émis un avis favorable à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Puis, en juin 2017, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un premier avis favorable à cette ouverture. Surtout, il prend le soin de souligner qu’il n’y a aucun argument éthique que l’on puisse opposer à l’ouverture des PMA à toutes les femmes.Sur le plan juridique, le Conseil d’Etat a indiqué, en juin 2018, qu’il n’y a aucun obstacle juridique pour l’ouverture de la PMA. En résumé, les techniques médicales existent, il n’y a pas d’obstacle éthique, il n’y a pas d’obstacle juridique.Il faut maintenant l’engagement politique, car rien ne justifie la différence de traitement juridique actuel, et ce d’autant plus que la PMA ne guérit pas les couples hétérosexuels infertiles. Elle pallie leur infertilité en les aidant à fonder une famille grâce aux techniques médicales procréatives. Cela est si vrai que quatorze pays ont déjà ouvert ces techniques aux couples de femmes et que vingt-six pays les ont ouvertes aux femmes célibataires.Les sondages montrent que l’opinion est très majoritairement favorable à cette ouverture. Nous devrons aussi faire évoluer les règles de filiation. La Belgique ou le Québec offrent un éclairage intéressant. Le couple de femmes qui souhaite fonder une famille grâce à une PMA y est, dès le début du processus de PMA, engagé irrémédiablement, de sorte que, dès la naissance, la filiation est établie à l’égard des deux femmes. Ainsi, l’enfant est pleinement protégé dès sa venue au monde. N’est-ce pas l’essentiel ? »