20 ans de pacs : l’union consacrée

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Adopté en 1999, le pacte civil de solidarité offrait pour la première fois une reconnaissance juridique aux couples homosexuels. Maintes fois réformée depuis, cette alternative au mariage pour tous les genres de couples est en plein essor.

Ses plus féroces opposants, en mauvais prophètes, annonçaient Bible à la main «l’apocalypse de notre civilisation» ; ils présageaient également «des détournements de successions, de nationalité, de fiscalité ouvrant des risques de répudiation, de polygamie, voire d’incestes» aux «conséquences dévastatrices» ; ou encore «la banalisation d’une avilissante dépravation». Vingt ans plus tard, leurs prédictions aussi farfelues qu’homophobes n’ont évidemment jamais vu le jour. Mieux : le pacte civil de solidarité (pacs), définitivement adopté par les députés le 13 octobre 1999, n’a jamais autant séduit les couples français, et cette union contractuelle, qui octroie des droits et des obligations réciproques aux partenaires (comme la solidarité des dettes, mais pas le droit de percevoir une pension de réversion), s’est même durablement ancrée dans les moeurs.

«On partait de zéro»

En 2017, selon les dernières données de l’Insee, 193 950 unions de ce type ont en effet été enregistrées, soit quatre pacs conclus pour cinq mariages prononcés. Il s’agit d’ailleurs à 95 % de partenariats entre personnes de sexes différents. Qui aurait pu imaginer un tel plébiscite pour cette union contractuelle, d’abord pensée comme une réponse à l’absence de reconnaissance juridique des couples homosexuels, une urgence après les années noires de l’épidémie du sida ? «L’adoption du pacs a été l’aboutissement de dix ans de combats pour protéger juridiquement les couples homos, rappelle l’avocate Caroline Mécary, figure de la conquête de droits LGBT. On partait de zéro : ces couples n’avaient aucune existence légale car la Cour de cassation leur refusait le statut de concubin. Symboliquement, cela a donc été une révolution. Mais c’est également un contrat dont se sont emparés des couples hétéros, comme précurseur au mariage ou comme protection plus souple que le mariage.»

Plusieurs toilettages de la loi depuis 1999 peuvent également expliquer cet engouement jamais démenti. En 2005 par exemple, le législateur décide d’aligner le régime d’imposition des couples pacsés sur celui des couples mariés. Puis, en 2006, une nouvelle réforme permet aux partenaires de choisir entre un régime de séparation des biens ou un régime d’indivision, tandis qu’en 2007, une autre loi oblige l’inscription du partenariat en marge de l’acte de naissance des pacsés en précisant l’identité de chacun des partenaires. Des ajustements qui effacent progressivement la distinction entre ce partenariat et le mariage civil – sauf quand l’une des deux personnes souhaite obtenir un titre de séjour et doit en passer par un mariage. Résultat : au fil des ans, des milliers de couples supplémentaires affluent devant les greffes des tribunaux d’instance puis, à compter du 1er novembre 2017, en mairie, devant l’officier d’état civil du lieu de résidence après un passage chez le notaire -pour celles et ceux qui le souhaitent.

«Ces réformes ont introduit des dispositions juridiques complexes sur la fiscalité ou les successions, mais depuis vingt ans, il y a eu un alignement du pacs sur le mariage, observe à ce propos le sociologue Wilfried Rault, de l’Institut national d’études démographiques (Ined). C’est sa capacité à endosser des situations différentes qui a séduit : les sceptiques du mariage trouvent dans le pacs un cadre juridique et la possibilité de le mettre en scène de façon alternative, tandis que d’autres y voient une manière de s’engager progressivement.»

«Plus appropriable»

La répartition selon l’âge des personnes vivant en couple est, à ce titre, significative : selon l’Ined toujours, c’est entre 25 et 29 ans que la proportion de couples pacsés est la plus importante – même si l’union libre est largement plébiscitée. «Les couples pacsés ont aussi en moyenne moins d’enfants, précise Wilfried Rault. Cela traduit une approche plus individualisée de la conjugalité depuis plusieurs décennies. Pour beaucoup, il est plus conforme à leur représentation du couple, plus appropriable.» Concernant les couples de personnes de même sexe, la «quatrième grande loi de moeurs de la Ve République», selon ses coauteurs , a aussi contribué à leur visibilité dans l’espace public tout en préparant le terrain à la conquête mouvementée de nouveaux droits, comme le mariage et l’adoption pour tou·te·s en 2013, et bientôt l’accès aux techniques médicales d’aide à la procréation. «Cela a amorcé un changement aussi important qu’inédit dans le système de parenté et de genre en France, analyse l’anthropologue toulousain Jérôme Courduriès, spécialiste de la conjugalité gay (1). Les homos ne sont plus exclus de la succession des générations et peuvent s’unir s’ils le souhaitent. Il reste à leur ouvrir, ainsi qu’aux trans, l’accès à toutes les solutions disponibles en France pour devenir parents.»

(1) Etre en couple (gay). Conjugalité et homosexualité masculine en France, Presses universitaires de Lyon, 2011.